Assemblée nationale : le Cybersecurity and Cybercrime Bill adopté

Les débats sur le Cybersecurity and Cybercrime Bill ont été bouclés lors de la séance de l’Assemblée natiionale dans la soirée de vendredi. Le texte de loi, piloté par le ministre de la Technologie, de l’Informatique et des Communications (TIC), Deepak Balgbin, a été vioté sans amendements peu avant 22 heures vebdredi avec le Summming-Up du ministre suite à des interventions de 23 parlementaires même si les Top Guns du gouvernement, dont entre autres le Premier ministre, Pravind Jugnauth, le Deputy Prime Minister, Steven Obeegadoo, de même que le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, se sont gardés de prendre la parole dans ce débat sur  ce texte de loi régissant le cyberespace. Vu le nombre d’intervenants, Le-Mauricien publie aujourd’hui le deuxième volet dans cette édition en attedant de conclure dans une autre édition.

- Publicité -

Stéphanie Anquetil : « Cette législation
n’est pas sensible au genre »

Stéphanie Anquetil (PTr) s’est demandé si le gouvernement n’aurait-il pas « un agenda politique caché » en venant de l’avant avec cette législation. « Une nouvelle loi est-elle vraiment nécessaire ? Si ces deux lois existantes ont fait leur temps, pourquoi ne pas plutôt les actualiser pour répondre à l’évolution des progrès du numérique, au lieu de sortir d’un extrême à l’autre ? » s’interroge-t-elle.

Les citoyens de notre pays veulent que leurs droits soient protégés. « Le véritable tollé de la population, sur le Consultation Paper concernant les modifications proposées à l’ICT Act pour contrôler les réseaux sociaux a forcé l’équipe de Mr Dick Ng Sui Wa à faire marche arrière. Depuis, il se fait tout petit, on ne l’entend plus », a avancé la députée du No 16.

Elle a proposé la mise en place d’un dispositif d’assistance aux victimes de cyber-malveillance et que les autorités chargées des enquêtes envoient les conclusions de leurs rapports au DPP « dans un délai raisonnable ». Selon elle, cette législation « n’est pas sensible au genre » et la cyber-sécurité « doit davantage s’ouvrir aux femmes ».

Stéphanie Anquetil est d’avis que « l’alarmante sous-représentation des femmes dans les métiers de ce secteur doit interpeller ». Elle poursuit : « Il faut combler les vides juridiques en ce qui concerne la protection des droits des victimes et leur droit d’obtenir réparation. ». La députée travailliste a aussi ciblé la ministre de l’Egalite des genres et du Bien-être de la famille pour son « silence, lorsque la veuve Simla Kistnen s’était fait humiliée sur les réseaux sociaux » ou encore lors des « arrestations arbitraires » de plusieurs femmes.


Teenah Jutton : « Mettre les despérados
numériques hors d’état de nuire »

La Parliamentary Private Secretary (PPS) Teenah Jutton a avancé que le développement numérique colossal a apporté aussi dans son sillage « son lot de bandits, de criminels, de pirates et de hors-la-loi ». Elle poursuit : « tout gouvernement qui se respecte doit, selon l’exigence du moment, faire preuve de responsabilité et de fermeté afin de mettre ces hors-la-loi et autres despérados numériques hors d’état de nuire. »

Elle s’est dit consternée par les arguments de l’opposition, qui souligne que la différence entre le projet de loi abrogé et celui qui passe au vote sont les termes de la pénalité. Elle fait référence au point avancé par les députés de l’opposition, qui estiment que les sanctions proposées sont trop sévères pour de telles infractions. «

La PPS a aussi déclaré qu’elle s’oppose fermement à la violation du droit des personnes à une vie paisible par manque de respect ou du fait de harcèlement. « Ce projet de loi ne restreint en aucun cas la liberté d’un individu ou la liberté d’expression tant que celui-ci ne cause pas d’abus et un préjudice intentionnel à qui que ce soit », a soutenu Teenah Jutton. « Seuls ceux qui ont des motifs sinistres inhérents trouveront des motifs sinistres, même dans un havre de sûreté et de sécurité », a-t-elle ajouté.


Richard Duval : « Un projet de loi
digne des pays autocrates »

Richard Duval (PMSD) estime que ce projet de loi est en contradiction totale avec les législations en vigueur dans les autres pays. Selon lui, il n’y a « aucun problème qu’on veuille protéger la population contre les maux de l’Internet » et du monde virtuel.

« Les clauses que ce projet de loi contient en catimini démontrent que le gouvernement n’a pas en réserve les meilleures intentions. On nous cache les mauvaises intentions », a-t-il ajouté, dressant un parallèle avec les précédentes tentatives de 2017 de bloquer les citoyens dans leurs façons de s’exprimer. « Cette loi est dangereuse pour la démocratie », dit-il encore.

« Cette fois, c’est plus grave. On remet en cause les droits fondamentaux. Le ministre de tutelle utilise les plaintes enregistrées pour soutenir sa démarche. Le vrai motif, c’est pour avoir le contrôle des réseaux sociaux. Le gouvernement veut contrôler les dénonciations de ces actions par les internautes à travers un filtrage. Un projet de loi digne des pays autocrates », a-t-il lancé.

« Ce gouvernement n’aime pas les critiques et l’exécutif veut prendre le contrôle sur les Mauriciens », a ajouté le député du No 12, qui est catégorique sur le fait que ce projet de loi « porte atteinte à la liberté d’expression », dont celle des journalistes et des groupes médiatiques. « Pourquoi tant de craintes de la loi du peuple ? » s’est demandé Richard Duval.


Le ministre Toussaint : « L’opposition joue sur
les mots et essaie de faire peur »

Le ministre duela Jeunesse, Stéphan Toussaint, estime que l’opposition joue sur les mots  pour critiquer le projet de loi. « On joue aux fins techniciens. On évite de dire certaines choses. Et on essaie de faire peur à la population », dit-il.

La jeunesse, selon lui, a à sa disposition « des tonnes d’informations sur l’Internet », que certains jeunes utilisent pour des activités illicites. « Responsabiliser ne veut pas dire qu’on doit dire qu’ils sont irresponsables. On guide les jeunes vers la bonne voie. Ne tombez pas dans les pièges des malfrats ! » ajoute le ministre.

Il trouve « dangereux » que « des membres d’expérience et de la profession légale appartenant à l’opposition lisent partiellement des clauses du projet de loi pour semer la confusion ». Selon lui, « certains, de l’autre côté de l’hémicycle, omettent de lire les provisions du texte de loi » au complet.

« Arrêtez de mettre du poison dans la tête de la population ! » a-t-il martelé Il a en outre répondu aux critiques à l’effet que le gouvernement joue au dictateur. « Facebook pou fini ek sa lalwa-la. Plis de Tik Tok, C’est ça qu’on essaie de faire croire », a-t-il avancé. Il estime aussi que la loi en place protège les artistes contre le piratage. « Que faire de nos artistes ? On devait laisser les gens pirater leurs œuvres et laisser certains faire des sous sur leur tête ? »


Joanna Bérenger dénonce une politique
de « deux poids, deux mesures »

Joanna Bérenger (MMM) souligne que ce projet de loi est supposé aider à combattre la cybercriminalité. Sauf que, dit-elle, « il y a certes des sections qui ont leur raison d’être, mais il y en a aussi qui sont dangereuses ». La grande majorité des mesures contenues dans cette loi « existent déjà dans la Computer Misuse and Cybercrime Act de 2003 ».

Pour elle, une chose dérange dans ce projet de loi : « La définition du terme Harm, qui pourrait être utilisé dans n’importe quel contexte, et cela ouvre la porte à tous les abus. » Elle rappelle que, dans le passé, certaines personnalités publiques n’ayant pas apprécié des opinions « et ayant vu leur ego blessé par des vérités exposées par des internautes n’ont pas hésité à abuser du terme trop vague qui était celui de Causing Annoyance avec l’espoir de traumatiser des internautes et de museler l’opinion publique ».

Durant les trois dernières années, « pas moins de dix personnes ont été arrêtées » pour avoir enfreint l’ICT Act, dit-elle. « Des gens ont été arrêtés et emprisonnés pour avoir fait des mimes, soit des images humoristiques, sur le Premier ministre, alors de l’autre côté, des hommes ont fait circuler des photos de femmes et d’enfants nus sans leur consentement. Et ils profitent toujours de leur liberté aujourd’hui et continuent de créer d’autres groupes pour échanger ces images indécentes », a-t-elle déclaré.

« C’est quand même incroyable cette politique de deux poids, deux mesures. Combien d’arrestations peuvent se faire rapidement, dépendant de la personne qui est à l’origine de la plainte, dépendant de sa proximité avec le gouvernement », affirme Joanna Bérenger. « Heureusement, un jugement est venu mettre en lumière le caractère anticonstitutionnel du délit Causing Annoyance. »

Le terme Harm dans le nouveau projet de loi peut également paraître, selon elle, « comme une taquinerie, pouvant sembler anodine » pour certains. « Il est regrettable que le gouvernement n’ait pas tiré de leçon d’un récent jugement. »

Le National Cybersecurity Committee opérera en outre en toute opacité, est-elle d’avis. « Ce comité avec un président, qui sera nommé par le Premier ministre, qui aura de nouveau la mainmise, alors qu’on ne cesse de le répéter : trop de pouvoirs sont mis dans la main d’un seul homme », a fait ressortir Joanna Bérenger. « Ce comité sera à la merci du gouvernement. Ce comité s’apparente plutôt à un gaspillage de l’argent du contribuable. Ces fonctions peuvent être exercées par d’autres structures similaires. »

« On voit difficilement une autre raison pour sa création que celle de pouvoir y placer les copains, les copines et les autres amis d’enfance. Ce projet de loi prévoit 11 nouvelles infractions. Comment cela va décourager la criminalité sur Internet quand on sait que les cybercriminels sont de plus en plus déterminés. Le gouvernement peut créer des milliers et des milliers de nouvelles définitions d’infractions, cela ne changera rien si les techniques d’investigation restent les mêmes et si les officiers restent sous-équipés. »


Sandra Mayotte fait une proposition à Balgobin

La backbencher de la majorité Sandra Mayotte a proposé au ministre Balgobin d’inclure dans ce projet de loi la clause « causing harm to third person or family members ». Et ce, parce qu’on n’imagine pas le mal que l’on puisse faire à l’entourage d’une personne lorsqu’elle est attaquée sur les réseaux sociaux, fait-elle ressortir.

La révolution numérique a provoqué la dépendance progressive de tous les secteurs d’activités humaines. À travers sa stratégie nationale de développement des TIC, ce gouvernement s’est résolument engagé à placer le numérique au centre du processus de développement du pays avec pour ambition de faire qu’il devienne ce vecteur de croissance de productivité pour les secteurs public et privé », a-t-elle fait ressortir en substance.

Selon l’Union Internationale des Télécommunications, dans son Global Security Index de 2020, seuls 29 pays africains ont une législation s’agissant de la protection des données. 23 pays africains disposent d’une stratégie nationale de sécurité.  L’île Maurice demeure le leader du continent africain depuis 2014, ajoute-t-elle. Les cybercrimes sont une réalité dans « notre paysage cybernétique ». Le Computer Emergency Response Team of Mauritius a enregistré plus de 2000 plaintes de janvier 2020 à janvier 2O21. Celles-ci se rapportent principalement au cyberbulling, aux faux profils, aux propos qui incitent à la haine raciale et au harcèlement.

Sandra Mayotte devait souligner qu’elle a entendu le député Patrick Assirvaden dire qu’il n’était pas d’accord que les « faux profile soient targeted dans ce projet de loi ». Elle rappelle qu’en septembre dernier, ce dernier avait condamné des Fake News et les faux profils alors même qu’il était question de l’état de santé de son leader, Navin Ramgoolam.


Joanne Tour : « Ce projet de loi est loin d’être un outil punitif »

Joanne Tour de la majorité trouve que le Cybersecurity and Cybercrime Bill est novateur pour le pays dans un monde où « le cyber espace prend de plus en plus d’importance dans nos vies quotidiennes ». Les jeunes passent de plus en plus de temps sur l’ordinateur, notamment avec le online schooling, entre autres, souligne-t-elle.

L’opposition, estime la députée, fait semblant de ne pas comprendre les enjeux essentiels, l’accusant même de créer de fausses perceptions autour de ce texte de loi en faisant accroire par exemple qu’il s’agit juste d’un moyen pour museler les citoyens dans leurs droits d’expression. Il ne s’agit pas de museler mais de protéger; il est donc important de rectifier la perception, met-elle en exergue. « Ceux-ci crient au loup et demandent aux jeunes de prendre garde. Mais prendre garde de quoi ? Comment ? Ne faut-il pas un mode d’emploi pour occuper en toute sécurité le cyber espace? Nous avons besoin de paramètres pour circuler sur les autoroutes de l’information », dit-elle.

Poursuivant son réquisitoire contre les membres de l’opposition, Joanne Tour trouve : « s’ils étaient fidèles à leur engagement solennel à servir le peuple, ils se seraient rendus compte de l’importance de protéger les citoyens car ce ne sont pas dans les films seulement qu’on voit des cyber attaques. »

Ce projet de loi est loin d’être un outil punitif ou encore un moyen pour museler les citoyens, devait estimer la députée, avant d’affirmer que certains membres de l’opposition devraient arrêter de déformer les dispositions de cette loi en vue de « semer la panique auprès des Mauriciens ».

Joanne Tour signale, par ailleurs, que ce projet de loi constitue un outil pour améliorer la civilité des citoyens. « Même si un citoyen ou un journaliste veut critiquer le gouvernement, il a le droit de le faire. À aucun moment dans la loi, il est dit que vous n’avez pas le droit de vous exprimer. Il s’agit plutôt d’empêcher de faire du mal à autrui ». Cependant, un Cybercrime est aussi un crime. Doit-on continuer à laisser des gens qui se cachent derrière de faux profils à faire du mal ? », s’est-elle demandé ?

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -