Bruno Lebreux (AIOM) : « Le Covid nous a rendus encore plus forts »

Bien que Maurice n’ait pas atteint son objectif de deux millions de touristes en 2022, Bruno Lebreux, président de l’Association of Inbound Operators Mauritius (AIOM), se veut positif, soulignant plutôt que ce n’est pas la quantité qui compte, mais la qualité. Il se réjouit qu’en termes de contribution au PIB le secteur ait fait mieux qu’avant la pandémie, tout en insistant qu’il ne faut rien lâcher.

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Dans quel état les membres de l’AIOM – réceptifs et tour-opérateurs -, se sont-ils relevés de la pandémie ?
Premièrement, laissez-moi bien clarifier cet amalgame qu’il y a entre un réceptif, ou Destination Management Company (DMC) et un tour-opérateur dans le jargon touristique mauricien et dans votre question. Un réceptif a la responsabilité de représenter son partenaire, tour-opérateur sur la destination, en organisant entre autres l’accueil et le transfert de ses clients, en veillant à ce que tout se passe bien pendant son séjour, en lui organisant des excursions et autres prestations que le tour-opérateur souhaiterait avoir.
Cette liste n’est pas exhaustive. Pour ce faire, cela demande certainement un savoir-faire absolument pointu, le réceptif est un vrai métier. Alors que les tour-opérateurs, qui sont basés pour la plupart à l’étranger, vendent la destination à travers le montage d’un package, qui est vendu à travers des agences de voyage, disséminées un peu partout dans son pays ou à travers le Web. Ce n’est absolument pas vrai de dire, parce que nous organisons des excursions, que nous sommes des tour-opérateurs. Il y a souvent ce malentendu.
Comme tout le monde dans notre industrie, nous avons beaucoup souffert pendant la période de Covid. Heureusement que le gouvernement nous a donné les moyens nécessaires de pouvoir tenir et nous l’avons fait tant bien que mal. Malheureusement, il y a eu quelques fermetures et redéploiement de certains de nos employés vers d’autres secteurs. Mais cette grosse épreuve nous a rendus encore plus forts et nous a fait prendre conscience que rien est acquis et cela a été bénéfique aujourd’hui.

Dans quelle mesure avez-vous dû modifier vos opérations après la pandémie ?
Avec la pandémie, nous avons tous eu à nous remettre en question, et cela nous a permis de revaloriser ce métier en mettant plus l’accent vers le digital. Afin de pouvoir être au plus près de notre clientèle et de nos partenaires presque simultanément. Cela nous a permis aussi de revoir le fonctionnement de nos opérations, pour plus d’efficacité toujours, faisant la part belle à l’informatique, mais évidemment sans oublier l’humain derrière toute chose.
Ce qui confirme que ce métier a besoin d’un relationnel permanent qu’on ne peut pas avoir derrière des machines. Et puis, nous avons eu le temps de former nos employés, afin d’être plus efficaces par rapport à la nouvelle orientation guidée par les difficultés encourues. Et puis, revaloriser les métiers de notre secteur a été pour nous un défi que nous sommes en train de réussir.

Le pays n’a pas atteint le million de touristes annoncé en 2022. Qu’est-ce qui a manqué dans l’équation ?
C’est un fait, nous n’avons pas atteint le million de touristes mais nous n’étions pas très loin et je crois que Maurice n’a pas à en rougir. Nous avons été proactifs et nous avons été sur tous les fronts, on a eu une synergie extraordinaire entre le public et le privé qui a porté ses fruits. Tout a été mis en œuvre pour obtenir ce résultat plus qu’honorable. N’oubliez pas qu’en chiffres d’arrivées, nous n’avons pas atteint notre objectif, mais au niveau de notre contribution au Produit intérieur brut, nous avons fait mieux qu’avant la pandémie.
Je crois que toute l’industrie et les autorités, y compris, doivent être saluées pour cette excellente performance. Il ne faut rien lâcher, et surfer sur cette vague qui nous porte depuis la fin du Covid. La communication et la promotion de Maurice doivent être soutenues.

Maurice a cédé sa première place dans la région, au profit d’autres destinations comme les Maldives. Cette perte de compétitivité vous inquiète-t-elle ?
Pas du tout, je crois que nous plaçons aujourd’hui les jalons d’une performance soutenue, tant au niveau de la qualité de nos prestations, mais aussi en faisant attention à une île Maurice durable, absolument nécessaire pour l’avenir de notre tourisme.
D’autre part, je pense sincèrement que la qualité doit être priorisée par rapport à la quantité. Cela ne sert à rien à mon avis d’avoir deux millions de touristes avec une contribution insignifiante à notre PIB. Notre île a toujours été reconnue pour une destination de qualité, et cela doit le rester, quitte à avoir moins de visiteurs en nombre mais plus en rentabilité.

À quelques semaines de la présentation du budget, quelles sont vos attentes et quel est votre message au ministre des Finances ?
Nous savons que le gouvernement et le ministre des Finances ont une marge de manœuvre assez limitée. Néanmoins, apporter une augmentation à notre budget national pour le tourisme serait évidemment une bonne chose. D’autre part, donner des incitations au Stakeholders de l’industrie serait aussi souhaitable, à travers des diminutions de taxe afin que nous puissions continuer à respirer convenablement.
Par ailleurs, lors du dernier budget, nous avons été dans la bonne direction concernant l’énergie verte. Je crois que petit à petit nous devrions changer toute notre flotte de véhicules pour aller vers de l’électrique et installer des bornes de recharge photovoltaïque un peu partout à travers le pays.
Et déjà dans le dernier budget, il y a eu une grande motivation pour les véhicules électriques et nous pensons que c’est une bonne chose. Il faut absolument aller encore plus loin pour que la promotion de l’Île Maurice soit associée en même temps à un environnement sans énergies fossiles.

Depuis le fameux “Maurice, c’est un plaisir”, c’est le désert en termes de “branding” de la destination… Ne nous manque-t-il pas un “branding” fort, et qui marque les esprits pour vendre la destination aux touristes ou même aux investisseurs ?
C’est vrai qu’il y a depuis assez longtemps une impression de ne pas changer notre image marketing concernant la destination. Mais sachez que depuis la crise du Covid il y a bientôt trois ans, nous n’avons pas cessé de promouvoir la destination avec plusieurs supports publicitaires à travers nos bureaux à l’étranger, en Europe, La-Réunion et ailleurs. Nous avons eu une campagne à travers notre site Mauritius NOW qui était très actif avec tous nos partenaires. Ce site était très visité et il y avait 12 caméras live qui avaient été postées dans plusieurs endroits de l’île. Ce site nous a permis de rester vivants, même quand nos frontières étaient fermées.
Nous sommes en passe de lancer une campagne pour un nouveau slogan à travers TikTok , Instagram, YouTube, Twitter, Pinterest : FEEL OUR ISLAND ENERGY. Nous avons été très actifs et proactifs. Nous ne sommes pas restés les bras croisés, en attendant des jours meilleurs. Ce n’est pas un hasard si aujourd’hui nous avons retrouvé nos chiffres pré-Covid, il y a eu un gros travail qui a été abattu pour avoir ce résultat.

Le monde vit une crise inflationniste. Ne risque-t-elle pas d’impacter les arrivées à Maurice dans les prochains mois ?
C’est vrai qu’il y a beaucoup de défis qui nous attendent pour maintenir cette progression. Oui, il y a beaucoup de crises dans certains de nos pays émetteurs comme la France ou l’Angleterre et j’en passe. Il y a aussi beaucoup de problèmes géopolitiques qui nous affectent et qui vont nous affecter, à l’image de la guerre en Ukraine.
Nous sortons à peine de deux années extrêmement difficiles, mais force est de constater que nous n’avons pas failli à notre bonne réputation d’être très résilients aux problèmes internationaux qui affectent notre industrie. Tout comme hier pour la guerre du Golfe en 1990, le 11 septembre en 2001, le chikungunya en 2006, le volcan en Islande en 2010 et bien aujourd’hui encore, nous avons réussi à passer le cap du Covid tant bien que mal. Nous avons pu traverser les crises en unissant nos forces, nos idées et nos moyens à ceux du gouvernement pour être encore plus résilients et proactifs. Cela doit continuer.

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