Fête nationale en temps de crise

Pour la troisième année consécutive, l’accession de Maurice à l’indépendance et au statut de République sera célébrée dans le respect des restrictions sanitaires imposées dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19. Elle sera marquée ce samedi par une cérémonie de lever du drapeau à la State House.
L’absence de festivités populaires ne devrait toutefois pas enlever le caractère solennel de cette cérémonie, qui célèbre notre appartenance à une nation. C’est l’occasion de faire le point sur le chemin parcouru depuis le 12 mars 1968, sur la situation actuelle du pays, et de regarder vers l’avenir.
Après 54 ans d’indépendance, il est un fait que ni les prévisions du Prix Nobel de l’économie, James Meade, qui avait prédit les pires catastrophes pour l’île Maurice indépendante, ni ce que VS Naipaul imaginait comme l’“overcrowded barracoon” ne se sont réalisés. Les gouvernements successifs ont su tirer le pays de sa totale dépendance de l’exportation sucrière pour diversifier l’économie, qui repose aujourd’hui aussi bien sur des piliers traditionnels comme l’industrie cannière, l’industrie manufacturière et le tourisme, que sur de nouveaux, comme l’industrie de services, dont les services financiers, les technologies informatiques, la fintech et les énergies nouvelles. Les infrastructures ont été modernisées, des progrès ont été réalisés dans tous les domaines.
Cependant, des défis subsistent dans le domaine de la démocratie, de la gouvernance, de l’éducation et de l’économie dans un environnement international incertain, pour ne citer que ceux-là. La pauvreté n’a pas encore été éliminée. La classe moyenne se paupérise. De nombreux problèmes sociaux (la drogue, la corruption…) continuent de miner le pays. Le chômage menace.
Sur le plan territorial, l’indépendance du pays n’est pas complétée. Faisant fi de toutes les instances internationales, dont les résolutions de l’Assemblée générale de l’Onu ou des jugements de la Cour internationale de justice et de l’opinion publique internationale, la Grande-Bretagne refuse toujours à Maurice son droit d’exercer sa souveraineté légitime sur l’archipel des Chagos. Elle a fait un affront à notre pays en enlevant le drapeau national placé le mois dernier par une délégation mauricienne, dont des natifs des Chagos, sur l’île de Peros Banhos, lors d’une campagne très médiatisée sur le plan international. Shame on you!
Cette année, la fête nationale est célébrée à un moment où le pays est confronté à la plus grande crise économique que le pays aura connue durant ces dernières décennies. La pandémie avait mis l’économie à genoux, causant une décroissance économique de plus de 15%. À peine le pays était-il entré dans la catégorie des pays à revenu élevé que nous sommes retombés dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire en raison de la baisse de notre PIB par tête d’habitant. Les réserves du pays en devises étrangères ont chuté brutalement après que la Banque centrale a accordé un montant de l’ordre de Rs 180 milliards au gouvernement pour, dit-elle, maintenir la stabilité économique et sauver l’emploi.
Alors que le pays avait commencé à voir la lumière au bout du tunnel avec l’ouverture des frontières, fermées pendant près de 18 mois en raison de la pandémie, la sortie de la liste grise du FATF, de la liste noire de l’Union européenne à partir de ce dimanche, nous subissons maintenant de plein fouet les conséquences de l’invasion russe en Ukraine. L’économie mondiale et les petits États insulaires comme Maurice se voient confrontés à une flambée de prix des produits pétroliers, qui devraient atteindre des sommets records. À cela s’ajoute la flambée des prix du gaz, du blé, du maïs et d’autres produits essentiels.
Par ailleurs, la situation climatique de ces dernières semaines a provoqué une pénurie de légumes frais. Les consommateurs en général sont interloqués par la hausse brutale du coût de la vie. Le “headline inflation” est estimé à 6,7% alors que le taux d’inflation d’une année à l’autre devrait dépasser 10%. L’avenir paraît incertain. Personne ne croit que le pays serait en mesure d’atteindre une croissance de 6,5%, encore moins de 7% à 8%. Après 54 ans d’indépendance, les politiciens mauriciens sont-ils suffisamment « matures » pour se serrer les coudes afin de permettre au pays de traverser cette période difficile ?

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