INCARCÉRATION ET RÉCIDIVE À MAURICE: Quelque 30 recommandations transmises sous peu au PMO

Les principaux « stakeholders », autour du thème « Rapport sur l’Incarcération et la Récidive à Maurice — La voie en avant », ont eu une ultime séance de travail hier matin à la prison de Beau-Bassin pour valider une trentaine de recommandations destinées à réduire la prévalence de la criminalité et la récidive à Maurice. La proposition d’une « Central Coordinating Agency » pour conseiller le gouvernement, en vue de dégager certaines stratégies figure parmi les recommandations phares du comité organisateur, composé principalement des membres de la Mauritius Prison Service et l’Université de Technologie de Maurice. De son côté, le commissaire des Prisons Jean Bruneau a énuméré certaines mesures déjà mises en oeuvre et d’autres, qui entreront en vigueur sous peu, pour améliorer les « physical infrastructures » au plan carcéral dans le pays.
L’atelier de travail national de validation, qui a duré pratiquement une demi-journée hier, constitue le suivi d’un workshop sur « l’incarcération et la récidive — Défis et perspective », qui s’est tenu le jeudi 30 juin et le vendredi 1er juillet. Cette première session de travail a culminé sur la soumission d’un rapport préliminaire au Prime Minister’s Office (PMO). Les principaux partenaires avaient exploré, à travers des tables rondes et des groupes de discussion, plusieurs thèmes, dont le processus d’incarcération des détenus, la récidive, les obstacles à la réinsertion des ex-détenus dans la société et les solutions et recommandations visant à promouvoir la réinsertion des ex-détenus afin de faire chuter le taux de récidive et de criminalité. Les intervenants étaient appelés à présenter, proposer et partager leurs idées et recommandations en vue de la préparation d’un rapport. Les discussions ont porté sur plusieurs aspects tels le système de justice pénale, la criminologie, la pénologie et la politique, ainsi que la planification de l’aménagement des peines et les peines alternatives.
La séance d’hier matin sur le thème « Rapport sur l’Incarcération et la Récidive à Maurice — La voie en avant » à l’école de formation des officiers de la prison, était exclusivement réservée aux « stakeholders » pour valider les recommandations jusque-là strictement confidentielles. C’est lors de la cérémonie de clôture que le rapport a été dévoilé en présence du Chef Juge Bernard Sik Yuen, du Commissaire des prisons Jean Bruneau, du ministre de l’Éducation tertiaire, de la Science et de la Recherche Rajesh Jeetah, de l’Attorney General Yatin Varma, du directeur général de l’Université de Maurice Dharam Fokeer et des travailleurs sociaux Lindsay Aza et Joceline Minerve.
Hemant Chittoo, Professeur associé en Politique publique et Gestion à l’UTM, a bénéficié du privilège de lever le rideau sur une trentaine de recommandations finales, qui seront transmises au Bureau du premier ministre incessamment, en vue de leur éventuelle mise à exécution.
Une des recommandations majeures du rapport, qui est d’ailleurs placée en tête de liste, est la mise en opération d’une Central Coordinating Agency. Il a été proposé que cette cellule soit intitulée « National Agency for Social Integration and Reduction of Crime » (NASIRC). L’instance, qui devrait être pilotée par le Bureau du Premier ministre, comprendra divers départements du système de justice pénale ainsi que les ONG pour agir en tant que « Knowledge Management Centre » et conseiller le gouvernement sur une base permanente, à la lumière des nouveaux défis. À ce sujet, le Chef juge Bernard Sik Yuen devait expliquer que « each department working on its own does often see the grey area where if there is convergence of odd ideas and actions, creative solutions can emerge for a better coordination of the actions of the Criminal Justice System ». Et d’ajouter : « The sooner this coordinating agency is set-up by the authorities the sooner we may expect positive results. » Bernard Sik Yuen a expliqué qu’il faudrait faire avancer les recommandations « très valables » qui ressortent de cette recherche et de s’assurer que le « policy advice is given in a timely manner to the policy-makers ».
Le dilemme du pouvoir judiciaire
Un peu plus tôt dans son allocution, le Chef Juge Bernard Sik Yuen s’est appesanti sur le dilemme du pouvoir judiciaire : « Magistrates and judges are not machines programmed for unfair conviction, nor are they sadists who enjoy sending people to jail or administer harsh punishments. We have the moral responsibility to ensure the delicate balance between legal provisions, right of convicts for a second chance in life, right of victims, ensuring society is safe and secure for its development, and also the volatile public opinion which moves to and for requesting for more humane treatment of criminals and more severe punishments at the same time to ensure deterrence of criminal behaviour. »
De son côté, le commissaire des prisons Jean Bruneau a fait ressortir que dans son « humble contribution », les services des prisons s’évertuent encore à poursuivre les réformes entreprises pour sécuriser la surveillance des délinquants et leur éventuelle réintégration dans la société en tant que citoyens respectueux. À cet effet, le commissaire a laissé entendre que l’infrastructure physique dans les prisons est en cours de modernisation. Ainsi, une prison spéciale pour les femmes a été construite à Barkly et une « Mother and Baby Unit » est en passe d’être aménagée pour les bébés qui vivent avec leur mère à la prison des femmes. Une unité de soins dentaires a été introduite à la prison centrale de Beau-Bassin. La sécurité dans les prisons connaît une amélioration avec l’achat de nouveaux équipements et le système de vidéo surveillance est aussi opérationnel dans certains établissements pénitentiaires ; il est proposé d’étendre ces facilités à toutes les prisons de l’île.
Jean Bruneau a aussi souligné que la communication a été améliorée avec l’introduction de radios numériques. Rs 5,7 millions ont été prévues dans le budget pour l’acquisition de nouveaux équipements de sécurité. Rs 16 millions ont été « earmarked » dans le Budget pour la mise en oeuvre l’année prochaine du système E-Prison. Le commissaire des prisons affirme que la construction d’une nouvelle prison de haute sécurité à Melrose au coût de Rs 1,7 milliard pouvant accueillir 750 détenus, viendra alléger la pression actuelle dans les prisons.
Le commissaire a aussi rappelé que des programmes de réhabilitation à travers des cours d’alphabétisation et de formation professionnelle sont offerts aux détenus, avec l’aide des ministères et des organisations non gouvernementales. En vue de remédier au problème de la toxicomanie et de la prolifération du VIH/SIDA, des mesures de prévention et de réhabilitation ont été introduites dans le programme de prisons.
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Propositions phares
* L’introduction d’un « Sentence Planning » pour les prisonniers comme conducteur au développement de leurs compétences pour l’emploi
* Adopter des stratégies axées sur l’employeur comme leur offrir des réductions d’impôt et des incitations à l’embauche des ex-détenus
* Revoir occasionnellement les formations professionnelles dans la prison afin de les rendre conformes aux exigences du marché
* Repenser la politique du gel des biens sous la Dangerous Drugs Act afin de faire la distinction entre trafiquants de drogue et non-trafiquants
* Reconsidérer les soins dispensés aux détenus vivant avec le VIH/Sida en prison en distribuant entre autres des seringues et des préservatifs
* Envisager la possibilité de considérer la toxicomanie comme une maladie pour un traitement pendant l’incarcération et après la libération
* Réintroduire la rémission dans la prison pour assurer la bonne conduite des détenus
* Mettre en place un conseil indépendant d’inspection pour vérifier la gestion quotidienne des prisons
* Introduire des mesures d’intégration sociale : l’accès au logement pour les ex-détenus, l’accès à des facilités offertes par la National Empowerment Foundation
* Au judiciaire d’envisager la faisabilité de la création d’un Comité permanent pour le suivi de la politique des peines
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Ces chiffres qui fâchent
85 % : le taux de détenus qui récidivent à Maurice, selon les indications de la Preliminary Statistical analysis menée par l’Université de Technologie de Maurice
30 % : c’est le taux de détenus des différents centres pénitentiaires de Maurice qui ont contracté la maladie du VIH/Sida
2 400 : le nombre de prisonniers en moyenne par jour répartis dans les neuf prisons de Maurice en 2010 alors qu’elles avaient une capacité maximale de 2 132 détenus. Ce chiffre représente un « average prison occupancy level » de 112 %
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Deux bourses aux détenus
Le ministre de l’Éducation tertiaire, de la Science et de la Recherche Rajesh Jeetah a annoncé hier à la clôture de la séance de travail à la prison de Beau-Bassin que deux bourses seront accordées aux détenus pour d’éventuelles études supérieures.
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La Juvenile Offenders Act revue
L’Attorney General Yatin Varma a souligné hier lors de l’atelier de travail que la législation gravitant autour de l’univers carcéral sera revue. Il s’est principalement référé à la Juvenile Offenders Act and the Reform Institutions Act. « Government also intends to amend the Bail Act in order to provide for the use of electronic bracelets, which is one of the recommendations that has come up during the National Workshop. I am pleased to inform the workshop that the Bail (Amendment) Bill has already been introduced in the National Assembly », a laissé entendre Yatin Varma.

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