NAUFRAGE ET DÉSASTRE ÉCOLOGIQUE  : Quand certains experts nous mènent en bateau

– Avant la date fatidique du jeudi 6 août dernier, quel rôle ont bien pu jouer les experts en nous faisant accroire que « tout est sous contrôle » ?

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DR DIPLAL MAROAM

DIPLAL MAROAM

Le naufrage, sur les récifs de Pointe-d’Esny, du MV Wakashio, vraquier japonais battant pavillon panaméen, qui avait pu, pour des raisons que l’enquête instituée déterminera, déjouer la vigilance de nos garde-côtes et sa cassure trois semaines plus tard, nous ramènent à la dure réalité de la pollution marine avec toutes les conséquences que cela comporte sur la faune et la flore aquatiques et les séquelles qui persisteraient pendant des années, voire des décennies. Tous les groupes d’organismes sont concernés : les algues, bactéries, mangroves, invertébrés, poissons, oiseaux, mammifères, etc. Mais les plus vulnérables sont bien évidemment ceux qui évoluent généralement à la surface ou au bord de l’eau. Car les huiles lourdes entraînent d’abord et surtout l’engluement et l’étouffement des habitats. Ainsi, première cause de mortalité – l’asphyxie.

D’autre part, les toxines des HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques) s’accumulent dans les tissus des organismes comme les planctons et les poissons qui en consomment à différents niveaux et contaminent éventuellement toute la chaîne alimentaire pour aboutir à l’homme. Les crustacés, coquillages et échinodermes (oursins, étoiles de mer, etc) sont également très sensibles aux changements brusques des paramètres de leur environnement immédiat. La photosynthèse, en outre, est considérablement perturbée entraînant de sérieuses répercussions sur l’émission de l’oxygène dans le milieu marin et l’atmosphère. La fertilité des poissons, la survie des œufs et des larves sont incontestablement affectées. Or, le village de Mahebourg est un des plus grands centres de pêche artisanale à Maurice, comptant pour plus de 75% des poissons pêchés sur la côte sud-est. Cette région sera, par conséquent, désormais touchée du point de vue économique et professionnel.

La pollution aux hydrocarbures constitue une des plus sérieuses et dangereuses pour l’écosystème marin et demeure malheureusement très répandue car une grande partie des résidus des combustibles fossiles utilisés dans les industries et le transport finit également souvent en mer. L’on se souvient de la crise écologique de grande ampleur survenue à la suite du déversement massif du pétrole brut dans le Golfe de Mexique en 2010. Ainsi, pour tenter de minimiser notre dépendance sur ces combustibles, des pays développés conjuguent leurs efforts et expertises ces jours-ci dans le sud de la France, les Bouches-du-Rhône, pour obtenir de l’énergie nucléaire non par la traditionnelle méthode de fission, qui produit des déchets toxiques et radioactifs sur plusieurs décennies mais par la fusion de l’hydrogène, procédé produisant également un déchet mais moins polluant, l’hélium. Le projet se réaliserait dans un gigantesque réacteur à fusion qui porterait à une très haute température un mélange de deux isotopes d’hydrogène, le deutérium et le tritium.

Cependant, alors que d’énormes ressources tant financières qu’humaines sont déployées dans cette vaste et ambitieuse aventure, ce même procédé se déroule tout naturellement dans notre astre central, le soleil, qui nous envoie de l’énergie interminable et gratuite, qu’il suffit bien d’exploiter sur une échelle plus grande qu’elle ne l’est actuellement. Or, à la place de cette énergie propre et abondante – en une heure, la Terre reçoit l’équivalent d’une année d’énergie qu’elle produit et utilise –, l’on préfère se tourner ailleurs en allant puiser, à nos risques et périls, à des centaines de mètres sous terre, l’énergie fossile hautement polluante. Quand l’homme réaliserait un jour les torts qu’il a infligés à la biosphère, il serait alors peut-être trop tard pour faire amende honorable car l’insouciance et l’irresponsabilité humaine à plusieurs niveaux mènent toujours aux calamités et catastrophes dont les effets se font sentir sur de longues périodes.

Finalement, pour revenir au naufrage du vraquier, l’on constate avec stupeur à quel point une île à vocation touristique comme la nôtre se retrouve totalement démunie face à une telle catastrophe alors que ce n’est pas la première fois qu’un navire échoue près de nos côtes (Angel-1, 2011 ; MV Benita, 2016). Et les questions que l’on se pose : n’est-il pas temps de saisir la balle au bond et de procéder à une restructuration en profondeur de nombreuses institutions sombrant aujourd’hui dans la léthargie, à commencer par les forces de l’ordre, comprenant le National Coast Guard ? Avant la date fatidique du jeudi 6 août dernier, quel rôle ont bien pu jouer les experts en nous faisant accroire que « tout est sous contrôle » ?

                                                                                                                                               

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