Publication de Jean Clément Cangy : Un pan essentiel des Etudes Sociales mauriciennes

En 2012, j’eus l’honneur d’être approché par Jean Clément Cangy pour préfacer sa publication « Le séga/Des origines à nos jours (2012) ». Je fis de plus amples connaissances avec ses écrits quand j’eus consacré une étude à sa publication « Ruelle de Bonne espérance (2009) dans la toute première conférence internationale de la Commission Justice et Vérité, qui se tint du 11 au 13 avril 2011 à l’Université de Maurice. Déjà j’avais démontré que l’œuvre de Jean Clément Cangy nous aide à avoir un regard profond sur la société mauricienne à travers la micro-histoire ou ce qu’on appelle « l’esquisse biographique » et « les confessions autobiographiques » de l’auteur(e). Le dernier ouvrage de Jean Clément Cangy notamment « Des vies et des jours. Le Port-Louis d’autrefois. Bambous terre des sculptures » (2022) peut se retrouver dans cette catégorie d’œuvres. À travers son récit autobiographique, l’auteur vient enrichir un pan important des études sociales de notre pays.

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Études sociales

Les études sociales, qu’on offrait comme matière (« Social Studies ») dans le cursus scolaire mauricien des années 1980 à 2014, visent à mieux faire comprendre à l’apprenant les relations que les gens entretiennent avec les autres et avec leur environnement. Il s’agit d’une matière interdisciplinaire, axée sur les problématiques et l’enquête, qui puise dans l’histoire, la géographie, l’écologie, les sciences économiques, le droit, la philosophie, les sciences politiques et d’autres disciplines des sciences humaines. Les études sociales aident à développer une perception de soi et de la société dans laquelle nous vivons. Elles permettent de comprendre certains des moyens qui permettent de maintenir une société harmonieuse dans un contexte pluraliste ; comprendre comment la répartition du pouvoir politique touche les gens, les collectivités et les peuples ; comprendre le rôle des institutions sociales, politiques, économiques et juridiques ainsi que leur influence sur le bien-être de l’individu, le bien-être de la collectivité et de la viabilité de la société. C’est toute cette compréhension que nous donne J.C. Cangy, qui nous fait remonter le temps quand il était encore gamin à la rue d’Entrecasteaux, ce quartier du fameux Ward 4, Port Louis. La publication est en trois parties notamment « le souvenir du Port Louis d’autrefois », « Bambous, terre des sculpteurs » et une section annexe avec des articles de réflexion.

Le Black

J.C. Cangy raconte que « les enfants du black de la rue d’Entrecasteaux vivaient davantage dehors que dedans…cette rue d’un ancien gouverneur des Mascareignes […] et navigateur français ». Et l’attrait spécial pour ces enfants « black » de ce quartier c’est la calèche qui passait tous les jours. La vie ne leur fait pas de cadeau malgré l’innocence. Les parents travaillent dur. Une grande solidarité existe aussi entre les voisins. Les familles « se rendaient souvent de petits services et, à l’occasion, ne manquait pas de faire gouter leurs spécialités : beignets de sardine, faratas, pudding de pain ». L’auteur explique aussi pourquoi le choix du mot « Black » et d’où il vient ce mot. Ici ce sont les noms qui sont donnés : Alain Lorraine, Reynolds Michel, Edouard Maunick, Frantz Fanon, Senghor, Césaire, etc.

Les figures formatrices 

J.C. Cangy fait mention des figures formatrices dans sa vie et des jeunes de sa génération. Elles sont Emmanuel Juste, Rivaltz Quenette, Père Henri Souchon, Beekrumsingh Ramlallah, Père Filip Fanchette ou le Centre Social Marie Reine de la Paix, le mouvement IDP (Institut Pour le Développement et le Progrès) ou le CEDREFI (Centre de Documentation et de Recherche et de Formation Indocéaniques) ou SOMAAP (Solidarité mauricienne anti-apartheid). Chaque nom, chaque acronyme recouvre une cause, un idéal de vie et un projet de société pour notre pays et le monde. Puis J.C. Cangy nous emmène à Bambous.

Tous sculpteurs !

C’est à Bambous que nous découvrons la main créatrice : celle de Lewis Dick, de Michel Hottentote et de Christopher Collin. C’est la magie de la transformation. Tous sculpteurs ! L’œil photographique de Kendy Mangra aussi « sculpte les visages de ses personnages » si bien qu’une de ses photos montrant un groupe d’enfants du village du Morne a remporté un prix de l’UNESCO.

L’épistémè

L’Annexe regroupe huit articles de réflexion. Il s’apparente à un ensemble de connaissances (l’épistémè) sur la situation des descendants des personnes ayant été mis en esclavage dans l’histoire : le tambour, le cheveu crépu, la discrimination raciale, la mémoire, et la démocratie. Deux citations à retenir dans cette partie du livre est celle d’Elie Wiesel, prix Nobel de la Paix, qui disait : « le bourreau tue toujours deux fois, la deuxième fois par le silence » (p.101). L’autre est de Jean Paul Sartre qui écrivait ceci : « L’important n’est peut-être pas ce que l’histoire a fait de nous mais ce que nous faisons de ce que l’histoire a fait de nous » (p.114).

Conclusion

Ce n’est pas de la flagornerie si on disait que J.C. Cangy est la plume mauricienne de Rue Cases Nègres (Zobel) ou L’Enfant Noir (Laye). Un outil fort intéressant pour l’analyse de notre société.

Dr Jimmy Harmon

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