TELFAIR SAGA – ENQUÊTE SUR LE MEURTRE DE SOOPRAMANIEN KISTNEN : Pleins feux sur NeeteeSelec de l’hôtesse de l’air et l’axe Appanna-Bonomally

  • Me Bhadain à Ashwin Poonyth sur le mode opératoire de NeeteeSelec : « It looks like a sham »
  • Générosité de la STC en faveur de la compagnie Bo Digital Co Ltd de Deepak Bonomally avec des avances sur le financement
  • La Flight Purser de MK: « Je ne répondrai à la question si Yogida Sawmynaden est le bénéficiaire ultime de NeeteeSelec »

L’ascension de la société NeeteeSelec de la Flight Purser, Neta Nuckched, et le contrat de Rs 308 M de Bo Digital Co Ltd pour l’achat d’équipements médicaux, pendant le confinement de COVID-19, ont été décortiqués lors de l’audience d’hier de l’enquête judiciaire au tribunal de Moka. Deux compagnies qui n’avaient pas le même chiffre d’affaires, mais qui ont connu le même destin, soit le fait d’avoir obtenu un contrat de la State Trading Corporation (STC) pendant la crise sanitaire. L’une novice, dirigée au départ par Neeta Nuckched, considérée comme « très proche » de l’ex-ministre du Commerce Yogida Sawmynaden, l’autre fort d’un chiffre d’affaires de Rs 300 millions en 2020 – alors qu’elle enregistrait des pertes de Rs 676 000 en 2019 –, et dont le directeur est Deepak Bonomally, conseiller de Vinay Appanna, nul autre que le beau-frère de Jonathan Ramasamy, General Manager de la STC. Un « inner circle » dont les avocats du DPP et ceux représentant la famille Kistnen ont voulu situer toutes les « pièces du puzzle » d’une affaire politico-financière.

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Ashwin Poonyth, proche de Vinay Appanna, est venu mettre au clair les démarches entreprises par la société NeeteeSelec, dirigée initialement par Neeta Nuckched, hôtesse de l’air proche quant à elle du désormais ex-ministre du Commerce Yogida Sawmynaden. NeeteeSelec, une société novice incorporée en avril 2020, et qui n’avait qu’un directeur général en la personne de Keshwari Poonyth, et Neeta Nuckched comme directrice. Une société dont Ashwin Poonyth soutient avoir permis l’incorporation et y a injecté une somme de Rs 225 millions de sa propre compagnie, AVAC Business Services Ltd, pour qu’elle puisse être dotée des ressources nécessaires afin d’acheter les équipements pour la décontamination de locaux et de véhicules de la STC pendant le confinement, avant même d’être assuré d’être le détenteur du contrat.

Ashwin Poonyth, comptable de profession, a avoué à Me Azam Neerooa, du bureau du DPP, qu’il n’avait pas tout dit à la police sur son implication dans la mise en opération de NeeteeSelec lors de son premier interrogatoire, du 3 février. C’est lors de son interrogatoire du 8 février qu’il avait expliqué plus en détails son apport et les transactions effectuées par cette compagnie pour décrocher le contrat de décontamination de la STC. Il devait alors expliquer en Cour que c’est bien lui qui avait incorporé NeeteeSelec « en ligne » le 14 avril 2020.

Son épouse, Keshwari Poonyth, General Manager de NeeteeSelec, lui avait alors demandé un « coup de main » pour l’achat d’équipements sanitaires, car la société n’avait pas de fonds. La première initiative d’Ashwin Poonyth avait alors été de verser une somme de Rs 225 000 à Blychem Ltd pour l’achat de ces équipements, notamment des « sprayers », dans le but d’être prêt pour honorer le contrat obtenu de la STC. Une somme que Ashwin Poonyth soutient avoir considérée comme un « prêt » à NeeteeSelec pour lancer ses opérations.

Ashwin Poonyth explique aussi avoir aidé son épouse en préparant des « templates » pour les cotations. Et de soutenir toutefois qu’il n’était pas au courant de « tous les contrats décrochés par NeeteeSelec », car il agissait uniquement en tant que facilitateur, et qu’il n’était pas impliqué dans la gérance de la société. C’est le 21 septembre 2020 que Ashwin Poonyth procède au « change of ownership », soit de faire en sorte que son épouse soit la directrice de NeeteeSelec, car Neeta Nuckched « voulait se concentrer sur son travail à Air Mauritius », pour une somme symbolique de Re 1. En effet, cette dernière, hôtesse de l’air de son état, avait décidé de quitter son poste de directrice pour se concentrer sur son futur en tant que « Flight Purser » à la compagnie nationale, déjà sous administration volontaire.
Me Roshi Bhadain devait toutefois s’interroger sur le modus operandi de NeeteeSelec. « Neeta Nuckched n’a rien investi dans cette compagnie, qui a uniquement un capital déclaré de Rs 100 000, mais qui, pourtant, a décroché un contrat avec la STC. C’est étrange, n’est-ce pas ? » a demandé l’homme de loi. Ashwin Poonyth devait répondre par l’affirmative. Après quoi Me Bhadain a avancé au témoin que la raison serait que : « Neeta Nuckched had a strong and close relationship with Yogida Sawmynaden. They had meetings regularly until september 2020. » Ce à quoi le témoin a déclaré qu’il n’était « pas au courant ».

Ashwin Poonyth devait aussi être confronté au fait que son épouse, Keshwari Poonyth, percevait un salaire de Rs 50 000 comme General Manager, « alors que la compagnie n’avait pas de fonds », et du fait que Neeta Nuckched « ne semble avoir rien investi et injecté aucune somme d’argent dans la compagnie », a avancé Me Bhadain, soutenant ainsi que « tout cela semble être un subterfuge ».

Me Bhadain de rappeler alors que NeeteeSelec « n’a aucune expérience dans le domaine de la décontamination, n’a pas de fonds et n’a pas de personnel », pour finalement conclure que « NeeteeSelec a été mise en opération, car Neeta Nuckched est très proche de Yogida Sawmynaden, et votre apport a été recherché dans l’anticipation d’obtenir de nouveaux contrats ». Ce à quoi le témoin s’est contenté de dire que son épouse et lui ont bien été impliqués dans la mise en opération de NeeteeSelec, mais qu’il ne pouvait se prononcer sur la relation entre Neeta Nuckched et Yogida Sawmynaden.

Yogida Sawmynaden comme bénéficiaire ultime

Neeta Nuckched, hôtesse de l’air devenue directrice de la compagnie novice, décrochant le contrat pour la décontamination des locaux et véhicules de la STC pendant le confinement deux semaines seulement après son incorporation, avait été appelée à répondre aux questions de Me Rouben Mooroongapillay. Ce dernier a axé ses questions sur les raisons derrière l’incorporation de NeeteeSelec ainsi que de son départ, en septembre 2020. Neeta Nuckched devait d’abord expliquer qu’elle était la seule actionnaire et directrice de NeeteeSelec au départ. Ainsi, selon elle, la compagnie était composée d’une directrice, soit elle-même, et de Keshwari Poonyth, dont on a appris lors des auditions qu’elle officiait comme general manager avant de devenir directrice.

Neeta Nuckched a alors expliqué : « Je travaillais sous mon ancien contrat de Flight Purser chez Air Mauritius et il n’y avait pas de vols pendant le confinement. » Justifiant ainsi la raison pour laquelle elle avait eu l’idée de lancer une compagnie. Elle devait toutefois concéder n’avoir pas informé son employeur avant de lancer son « business ». Ce n’est qu’après avoir pris connaissance d’un nouveau « roster » pour le mois d’octobre qu’elle avait décidé de réfléchir. « Et j’ai décidé de quitter la compagnie pour me concentrer sur mon travail à Air Mauritius. »

Me Mooroongapillay devait toutefois lui rappeler que malgré ce développement concernant la compagnie d’aviation nationale, « les vols étaient moindres ». Et Neeta Nuckched de concéder qu’elle n’a fait qu’un vol depuis qu’elle a quitté la compagnie. À une question de Me Mooroongapillay sur le fait que ce serait Yogida Sawmynaden qui serait le bénéficiaire ultime de NeeteeSelec, Neeta Nuckched devait juste soutenir qu’elle ne « répondra pas à la question ». Quant à sa relation avec l’ex-ministre du Commerce, elle a indiqué qu’elle ne lui a « pas parlé récemment », avançant cependant avoir une bonne relation avec l’épouse de ce dernier, Wenda Sawmynaden.

Appanna-Bonomally et la STC

Ashwin Poonyth devait pour sa part indiquer connaître Vinay Appanna depuis plus de sept ans. Il faisait alors office de comptable pour les compagnies de ce dernier. Le témoin a confirmé que celui-ci était détenteur de plusieurs contrats, notamment dans le domaine de la publicité, par des agences, mais aussi par des institutions publiques, comme Mauritius Telecom et la Coopération Nationale de Transport (CNT). Et le témoin d’expliquer que la compagnie AV Techno World Ltd de Vinay Appanna avait obtenu un contrat d’environ Rs 70 millions directement du ministère du Commerce pour la fourniture d’équipements médicaux pendant la crise sanitaire due à la COVID-19. Mais aussi des contrats publicitaires, comme l’utilisation d’espaces publicitaires à l’arrière des autobus de la CNT.

Avec la NTC, une compagnie de Vinay Appanna bénéficiait de Rs 30 M par an, selon un contrat, pour la fourniture de pièces détachées. Me Neerooa devait alors permettre d’établir un lien entre Vinay Appanna et le directeur de la STC. Lors de son interrogatoire, il a ainsi voulu connaître le lien entre Reena Appanna-Ramasamy, directrice de BCA Consulting, et Vinay Appanna. Ce à quoi le témoin a expliqué que Reena Appanna-Ramasamy « est la sœur de Vinay Appanna et l’épouse du General Manager de la STC, Jonathan Ramsamy».

Me Neerooa a ensuite rappelé que ce même Jonathan Ramasamy est le directeur de la STC, qui est sous l’égide du ministère du Commerce, ce même ministère qui avait octroyé un contrat de Rs 70 M à la compagnie de Vinay Appanna, AV Techno World, pour l’achat d’équipements médicaux. Fait ensuite son apparition Deepak Bonomally. Ashwin Poonyth avancer que ce dernier était au départ le marketing manager d’une firme de Vinay Appanna, Rental Express. Deepak Bonomally, devenu alors le conseiller de Vinay Appanna, avait par la suite décidé de lancer sa propre compagnie, Bo Digital Co Ltd, dont Ashwin Poonyth deviendra le comptable ainsi que le secrétaire, ayant lui-même incorporé la compagnie. D’avancer lors de son audition que la compagnie avait, en 2016, un capital déclaré («stated capital ») de Rs 50 000, et qu’à présent elle tourne avec un chiffre d’affaires de Rs 300 M.

Au départ, selon lui, la compagnie offrait ses services pour la rénovation de containers, mais exerçait aussi dans le domaine de la publicité, avec des montants variant entre Rs 800 000 et Rs 1 M, dépendant des projets. Le témoin confirme que Bo Digital Co Ltd avait par la suite été sollicitée pendant la crise sanitaire pour la fourniture d’équipements médicaux, malgré le fait que la compagnie enregistrait des pertes de Rs 676 000 fin 2019. « Comment Bo Digital Co Ltd a eu alors les fonds nécessaires pour investir et obtenir ce contrat de la STC ? » lui a demandé Me Azam Neerooa. Et Ashwin Poonyth de répondre : « La STC avait avancé de l’argent à la compagnie pour l’achat de ces équipements médicaux. » Alors que le témoin était au départ réticent à confirmer qu’il s’agissait bien d’équipements médicaux, la magistrate Divya Mungroo-Jugurnath devait lui rappeler que tous ces équipements semblent être utilisés dans des centres médicaux. Et le témoin de rétorquer : « You are trying to put words in my mouth. »

Par ailleurs, Ashwin Poonyth devait confirmer que Deepak Bonomally et Vinay Appanna ont respectivement un compte bancaire en devises étrangères à Maurice. Quant à savoir s’il serait au courant d’une quelconque transaction entre Deepak Bonomally et Soopramanien Kistnen par chèque, il a répondu qu’il devra « vérifier les comptes ».

Me Bhadain lui a ensuite demandé : « Vinay Appanna recevait des contrats avec le ministère du Commerce et Deepak Bonomally recevait des contrats avec la STC pour qu’il n’y ait aucune entrave à la justice, c’est cela ? » Et le témoin de répondre : « Je ne peux pas savoir ! ». À la suite de quoi Me Bhadain a poursuivi : « Bo Digital occasionnait des pertes de Rs 676 000 fin 2019. La compagnie n’avait donc pas les moyens pour ce contrat de Rs 308 M de la STC, n’est-ce pas ? ». Le témoin répondant : « Tout ce que je sais, c’est que la STC a payé en avance la compagnie. »

« Avez-vous déjà vu dans votre carrière un tel cas de figure où on avance Rs 300 M à une compagnie ? », a alors demandé Me Bhadain. Après avoir répondu par la négative, Ashwin Poonyth a expliqué la raison pour laquelle il avait donné plus d’éclaircissements lors de son deuxième interrogatoire à la police. Et de soutenir : « Je ne voulais pas être appelé dans l’enquête judiciaire, donc je n’ai pas tout dit. Quand j’ai appris par la suite que j’avais été assigné comme témoin, j’ai préféré revoir ma déposition et donner plus de détails. »

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