L’unique responsable

Les crises d’hystérie répétées du Speaker du MSM ont atteint un nouveau palier mardi dernier lorsqu’il a lancé à onze reprises « look at your face » au député de l’opposition Rajesh Bhagwan. Une allusion directe au problème de vitiligo dont souffre l’élu du MMM depuis une vingtaine d’années. Si la « face » de Rajesh Bhagwan dérange ce Speaker à la conduite scandaleuse, de l’Égypte à Washington, en passant par le perchoir où il éructe sans cesse, il ne gêne absolument pas les électeurs de Beau Bassin/Petite Rivière, qui l’ont plébiscité, non pas à une élection, mais à neuf scrutins consécutifs et dans la même circonscription. Il est d’ailleurs le seul à détenir un tel palmarès jusqu’ici.

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C’est peut-être l’annonce d’un nouvelle candidature aux prochaines élections, la dixième, qui a dérangé le loudspeaker du Sun Trust. Rajesh Bhagwan l’avait titillé lors de son intervention sur le Finance Bill le 30 juillet. « Je suis, ici, depuis longtemps et je vais être ici encore. Je me prépare pour mon dixième mandat déjà et je le dis publiquement… J’espère que vous allez être là. Je ne crois pas… parce que s’il va y avoir un changement de gouvernement, vous n’allez pas être là… je ne sais pas où vous irez. » S’il avait été malicieux, le député aurait pu ajouter « peut-être un retour en Égypte ! » C’est peut-être ce rappel de sa position de non-élu et donc en déficit de légitimité qui n’a pas été au goût du Speaker.

Avant cette séquence infâme, Sooroojdev Phokeer avait décidé de quitter subitement l’hémicycle parce que le ministre Husnoo et le leader de l’opposition parlementaient entre eux. Furieux d’être ainsi ignoré — c’est dire l’autorité qu’il commande —,le Speaker a quitté l’hémicycle au beau milieu de la Private Notice Question sur le Wakashio, laissant patienter les parlementaires pendant une bonne quinzaine de minutes. En moins de deux ans, le nominee de Pravind Jugnauth a battu tous les records. C’est le seul Speaker qui a décidé de corriger les procès-verbaux de l’Assemblée nationale juste pour qu’une question sur Showkutally Soodhun disparaisse. C’est celui qui a aussi procédé à l’expulsion et à la suspension d’un nombre incalculable de députés de l’opposition. Il y a eu Paul Bérenger, Arvin Boolell et Rajesh Bhagwan, interdits de participation aux délibérations le 30 mars jusqu’aux prochaines élections, sanction arbitraire qui a dû être levée devant la perspective d’un camouflet judiciaire. L’affaire étant, dès lors, rendue caduque du fait de leur réintégration. Il y a ensuite la suspension du chef de file du PTr Arvin Boolell pour huit séances depuis le 20 juillet sans la possibilité de présenter des excuses afin de pouvoir récupérer son siège. Ce qui le privera de son mandat populaire jusqu’à la mi-novembre, puisqu’il lui reste quatre autres séances de suspension à “purger” après la reprise du 26 octobre.

La réprobation des gesticulations de Sooroojdev Phokeer a, cette fois, largement dépassé nos frontières. De la BBC aux associations des personnes vivant avec le vitiligo, en passant par le président des Seychelles qui a, de manière spontanée, dit la vérité sur nos mœurs parlementaires peu civilisées. Avant de nuancer ses propos suivant, on le devine, les interventions de nos diplomates d’opérette qui se croient autorisés, après avoir bien servi à bord de la compagnie nationale d’aviation lors de nombreux voyages, à s’égarer dans le champ parfois miné des subtilités internationales et parler d’Agaléga. L’opprobre international après l’épisode de mardi est source de honte pour l’île Maurice tout entière. Les listes grise et noire ne suffisaient pas. Mais lorsqu’on a fini de procéder à l’inventaire des multiples manquements du Speaker, il est nécessaire de situer les responsabilités.

Qui a installé Sooroojdev Phokeer à la présidence de l’Assemblée nationale, si ce n’est Pravind Jugnauth, qui se devait de le récompenser après sa participation active à la campagne électorale ? Il l’a nommé comme il a choisi quelques agents pour occuper la tête de certains organismes publics. Il est l’unique responsable de la situation malsaine au Parlement. Pour Pravind Jugnauth, le Parlement, l’IBA, la MBC, l’ICTA, la Beach Authority, la WMA ou le Trust Fund du Jardin SSR de Pamplemousses, c’est la même chose, sa seule priorité étant d’installer nou dimounn partout, pour tout contrôler, tout verrouiller, faire taire les notes discordantes, l’exercice démocratique étant le cadet de ses soucis.

C’est au Parlement même que l’on peut mesurer à quel point la paire Jugnauth-Phokeer fonctionne en binôme dans son sombre dessein de réprimer les voix contraires. Il ne faut pas aller loin en arrière pour l’illustrer. La séance de mardi dernier est, à ce titre, très éloquente. La question de Patrick Assirvaden sur Angus Road était très bien placée sur la liste du Prime Minister’s Question Time. Qu’a fait Pravind Jugnauth ? Passer le maximum de temps sur une seule question en adoptant le débit de la dictée, en pesant chaque mot et en demandant à trois béni-oui-oui de venir avec des questions supplémentaires pour faire durer le plus longtemps possible la question. Et ce, alors même qu’il n’y avait aucune interpellation inscrite au nom d’un quelconque député de la majorité pour cette ultime séance de mardi dernier avant les vacances. Comme d’habitude, si le Premier ministre n’a jamais les réponses requises lorsqu’il s’agit de questions supplémentaires de l’opposition, il en a toujours de toutes prêtes pour ceux de son clan.

Le cirque des interventions sur les textes relève de la même logique partisane à outrance. Et Steve Obeegadoo, qui s’est étonné mardi qu’il n’y ait personne de l’opposition pour l’écouter ! Pourquoi n’est-il pas intervenu après le dernier orateur de l’opposition dans la soirée du vendredi 30 juillet au lieu d’attendre d’être au frais le mardi suivant ? S’il est si soucieux du bon respect des convenances parlementaires, pourquoi n’a-t-il pas commenté les propos du Speaker entre deux visites de routes défoncées à Curepipe depuis sept ans que ses nouveaux amis sont aux affaires ? Shame !

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