La cour du roi Pétaud

S’il y a une chose qui a beaucoup changé depuis le début de la saison 2022, c’est le regard d’une majorité de ceux qui préconisaient le changement pour le meilleur et qui écrivent, dépités, que « Zot pa bon lor organiz lekours mais plito organiz konser », Facebook, le 23 octobre 2022.… La vérité aujourd’hui dans un pays où la libre expression à visage découvert a perdu ses repères, les réseaux sociaux sont devenus un relais de l’expression des sentiments et d’opinions d’une majorité de Mauriciens à visage caché. Bien sûr, il y a aussi des affidés ou des indulgents qui trouvent que la situation hippique est mieux cette année et qu’elle ira en s’améliorant. Ne dit-on pas qu’il faut de tout pour faire un monde ? Il n’empêche que l’on est déjà à la 30e journée et que des erreurs de débutants continuent à être commises. Et qu’à certains égards, bon nombre sont inacceptables, surtout que jusqu’ici, aucun fautif n’a été sanctionné à la hauteur de ses écarts. La dernière en date est cette transposition des couloirs au départ, impliquant un favori, Partner In Crime, où le pire des hasards a voulu que ce soit un cheval portant la même casaque qui s’est imposé à bonne cote.
Il aurait été intéressant de savoir ce que pense réellement, au fond de lui-même, celui qui est le leader de toute cette organisation, celui qui investit — et arrose — des millions pour que son organisation fasse oublier la concurrence. Il doit être extrêmement déçu de cette cacophonie bimensuelle que ses minables nominés — des Mauriciens et des Sud-africains prêts à tout, même à recevoir des claques bien sonnantes — produisent chaque quinzaine. Celui qui a eu la vision de mettre sur pied une organisation et un système de paris, la base de sa colossale fortune, ne peut se satisfaire de tant de médiocrité. Au point où l’entraîneur champion qui le tient de faire-valoir dans un monde où l’hostilité à sa personne et son système est réelle s’en prend, sans coup férir, à la faillite de son organisation sur l’installation des false rails. Plus dirigé vers ceux qui portent des vestes plus grandes que leur taille, pour pester avec raison et une colère légitime sur la blessure de son cheval Frosted Gold, un champion hors pair qui mérite qu’on le bichonne plutôt que de l’exposer à l’incompétence de ceux qui fixent les infrastructures de façon artisanale chaque quinzaine.
Que ce soit justement le champion du couple Maingard-Lee Shim, qui vise un doublé classique avec une victoire dans la Coupe d’Or après celle de l’envolée du Barbé, qui soit victime d’un amateurisme inconcevable de toute organisation des courses en 2022 est un signe qu’on n’est jamais mieux trahi que par les siens. Au lieu de faire amende honorable et de prendre les sanctions, voilà que le manitou de cette compagnie insulte publiquement le partenaire de son patron et va même jusqu’à le menacer de le dénoncer à la police et faire appel à un huissier de la Cour suprême pour démontrer que son organisation est infaillible. On se croirait vraiment à la cour du roi Pétaud. D’autant qu’un épisode précédent d’un différend semblable, cette fois sur l’entretien de la piste du Champ de Mars, avait déjà montré qu’il était prêt à brûler ce qu’il adore si jamais il était contredit ! Chacun aurait pensé qu’il avait reçu la correction nécessaire, mais visiblement, il n’a pas retenu la leçon ! À moins qu’au vu de ce qu’il sait, il se sente un intouchable ! Sinon, continuerait-il, avant les courses, à parlementer avec des jockeys avant de prendre son téléphone en main, après qu’il a été sanctionné en début de saison pour interférence au cours d’une enquête des commissaires des courses ?
Mais il n’y pas que les nouveaux venus dont il faut parfois désespérer, il y a aussi les instances régulatrices qui pèchent par leur inquiétant silence et leur complice inaction sur bien des écarts, dépendant où ils ont lieu, à l’extérieur ou à l’intérieur de la piste. Leur autorité varie de l’autoritarisme exacerbé à un manque de fermeté coupable. Dans ce cas, elles deviennent sourdes, aveugles ou, pire, parrainent des solutions pour épargner les fautifs et minimiser tout écart de conduite. Elles se transforment même le cas échéant en paillasson, où leurs protégés du jour, parce que rien n’est immuable chez eux, peuvent se débarrasser de leur crottin de chevaux. Pourtant, il y avait matière à moudre le week-end dernier, où dans certaines épreuves, les mots courses et tricheries ont été dans le même tempo — heureusement pas dans toutes les épreuves. Ce sont encore les internautes qui le disent sur Facebook : « Fait bizarre samedi, Jacalac win avec Fayderbe, après zokey pas monte, Desert Boy win. Dimanche Fayderbe win lor Frosted Gold, après zokey pas monter, Bollinger win avec Rama. Al konpran… » Cette affirmation n’est pas dénuée de tout fondement. Bien au contraire. Tout le monde l’a vu et constaté.
S’il y avait encore un doute, ce turfiste bien éclairé confirme bien qu’on est dans la cour du roi Pétaud. Où les jockeys décident quand ils vont monter ou pas. Rien ne dit qui prend et accède à ces demandes de changements de montes soudains et suspects qui perturbent les parieurs dans leur choix. Personne ne sait, in situ, si elles sont de nature médicale ou autre. Personne ne semble se soucier dans quelle mesure ces changements de jockeys intempestifs influent sur le betting dans un sens ou l’autre. De même, personne ne peut infirmer ou affirmer à qui ces changements aléatoires profitent au bout du compte dans un univers surréaliste où on peut trouver un propriétaire de chevaux, organisateur de courses et organisateur multidimensionnel de paris à cote fixe, et qu’un tel conflit d’intérêts caractérisé n’émeut plus personne. Le joker-réponse à cette situation est qu’il existe d’autres exemples dans le monde hippique mauricien, à la différence que ces organisateurs de paris là sont basés sur un système de cote évolutive (tote) dont ils n’ont, sur le principe, aucune maîtrise sur le système. Pour rappel, Turf Magazine a aussi à l’époque déjà dénoncé cette situation, parce qu’aux yeux du public, elle peut paraître conflictuelle. Dans un monde parfait, il aurait été souhaitable qu’un organisateur de paris, quel qu’il soit, ne soit ni organisateur de courses ni propriétaire de chevaux.
On ne saurait terminer cet article sans nous indigner qu’un mois après la tentative de sabotage du Champ de Mars, mise en place pour tuer et finalement décrédibiliser l’organisateur bicentenaire des courses à Maurice et faire annuler le Maiden 2022, l’affaire ne soit encore pas résolue et que les vrais coupables courent toujours. La surprise du chef est que l’enquête confiée au CCID jusqu’ici serait passée entre les mains de la Police des Jeux, qui a brillé par son silence accablant depuis le début d’une saison où les paris clandestins ont pris une ampleur sans précédent depuis que la nouvelle Finance Act a avalisé une nouvelle augmentation de la taxe sur les paris. Que vient donc faire la Police des Jeux dans une affaire criminelle, qui est plus du domaine d’autres unités de la police que la sienne ? À moins que le principal suspect ne soit dans le domaine du Gambling. !
Mystère et boule de gomme, si ce n’est que cette unité semble affirmer avoir retracé et identifié une voiture suspecte lors de cette fameuse nuit avec l’aide des nombreuses caméras se trouvant sur la route du Champ de Mars, alors que les enquêteurs du CCID disaient récemment n’avoir pu nommément identifier la voiture suspecte. Faut-il interpréter cela comme un désaveu d’une unité de police dont le mentor a connu cette semaine les affres d’une mutation, qualifiée par ses pairs de punitive ? Difficile à dire tant les travers notés lors de cette enquête, dont le but supposé, selon la police, était d’avoir voulu être cruel vis-à-vis des animaux, ressemble à bien des égards à la trame de la ténébreuse affaire Kistnen. En effet, dans la tentative d’attentat au Champ de Mars, des mains invisibles ont voulu dévier l’enquête et faire accroire que les caméras CCTV n’avaient pas été utiles. Deux individus ont été arrêtés pour décrédibiliser un plus large complot qui, comme dans l’affaire Kistnen, rebondira. La Police des Jeux va-t-elle enfin démêler cet écheveau ? Difficile d’y croire sur son passif, mais comme au Champ de Mars on n’est jamais à l’abri d’une grosse surprise…
Il faudrait pour cela qu’à la police nationale, on ait surmonté l’épisode de la cour du roi Pétaud !

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