Dr Babita Thannoo, la candidate en suspens de ReA : « Ce ne serait pas une alliance contre nature »

Dr Babita Thannoo, 47 ans, est la candidate désignée par Rezistans ek Alternativ (ReA), aux côtés d’Ashok Subron et de Kugan Parapen, dans une éventuelle alliance avec le trio PTr-MMM-ND. Et au cas où trois tickets lui sont proposés. Le nombre d’investitures aussi bien que les circonscriptions (sans oublier l’épineuse question de la déclinaison de l’appartenance ethnique) doivent être clarifiés avant la concrétisation d’une alliance… ou pas. ReA veut placer Babita Thannoo dans la course. Une chose est certaine : si son parti ne s’aligne pas aux côtés du PTr-MMM-ND, Babita Thannoo sera néanmoins candidate ReA aux prochaines législatives. Universitaire, détentrice d’un PhD in Postcolonial Literary and Cultural Studies de l’université de Leeds et bardée de diplômes, Babita Thannoo a été formée dans les plus prestigieuses universités anglaises.

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Vous êtes la candidate de ReA évoquée par Ashok Subron dans le cas d’un éventuel ralliement de votre parti à l’alliance PTr-MMM-ND. Comment avez-vous accueilli ce choix ?
Sur un plan personnel, j’ai été très honorée. Je tiens à remercier chaque membre et sympathisant de ReA pour leur soutien. ReA s’est engagé, depuis plusieurs années, à promouvoir la participation des femmes dans l’arène politique. Ayant collaboré avec ReA et donné des cours sur l’écoféminisme et le féminisme, je considère cette candidature comme une reconnaissance du travail que nous pouvons accomplir lorsque la parole est donnée aux femmes. C’est aussi une reconnaissance de la contribution des femmes en politique et de notre capacité à participer activement et à influencer les décisions. ReA reconnaît pleinement que le patriarcat dans la politique mauricienne empêche les femmes de se faire entendre comme elles le devraient et réduit leur influence dans les décisions nationales. ReA croit fermement aux approches basées sur le genre dans l’élaboration des politiques.

Croyez-vous sincèrement que vous aurez la possibilité de mettre en pratique cette approche féministe dans un éventuel gouvernement dirigé par le PTr et le MMM ?
Absolument ! Pour commencer, ils ont déjà pris en considération nos attentes en matière de congé parental. Ils ont montré qu’il y a de l’espace pour le dialogue et pour le travail collaboratif. Ce sont des partis qui partagent des points communs avec ReA. N’oublions pas non plus qu’à la base, ces partis sont ancrés dans un combat pour la justice sociale. Le PTr et le MMM sont deux grands partis fondés dans un contexte de lutte sociale pour promouvoir l’égalité sur différents plans. Je pense que nous pouvons poursuivre cette collaboration dans cet esprit et à travers le dialogue.

Avez-vous accepté spontanément de vous aligner aux côtés du PTr-MMM-ND ?
Oui. C’est certain que mon nom a été débattu en comité. Il y a des femmes comme Dany Marie et Veena Dolah qui méritent amplement d’être candidates. Mais il y a aussi un désir de renouveau. Cela fait des années que je suis membre de ReA, mais en raison de mes engagements professionnels, je n’ai pas été aussi visible sur le terrain que certains de mes collègues, comme Stéphan Gua et David Sauvage. Cependant, je participe depuis longtemps à l’éducation politique et écologique au sein de CARES (Centre for Alternative Research and Studies Mauritius), où ReA m’offre l’opportunité de présenter l’écoféminisme dans la région et à l’international.
Les négociations de ReA avec les leaders du PTr et du MMM ne font pas l’unanimité parmi les Mauriciens. Entre déception et compréhension, il y a un sentiment mitigé. Quel est votre avis à ce sujet ?

Il y a aussi des encouragements de toutes parts, des éditoriaux aux commentaires sur les réseaux sociaux, qui montrent qu’il y a un électorat comptant sur ReA pour apporter le changement radical attendu dans le paysage politique. En montrant que nous sommes et resterons attachés à nos valeurs, nous convaincrons les sceptiques de notre décision d’une alliance. Plus nous aurons l’occasion d’expliquer la raison de notre décision, plus il sera évident pour les Mauriciens de comprendre notre démarche pour transformer un système qu’ils subissent actuellement. Et le jour où ils verront le programme commun, ils réaliseront que nous ne sommes pas là simplement pour obtenir un ticket et le pouvoir.

Ce ne sera donc pas une alliance contre nature ?
Si on trouve que la nature est fixe, alors oui elle sera contre nature. Mais la nature est changeante, n’est-ce pas ? Nous avons besoin de changement. Ce ne serait pas une alliance contre nature. Ces deux grands partis, comme je l’ai dit, ont pris naissance dans les grands moments historiques de Maurice. De par leur parcours, ils savent parfaitement que nous passons par une situation de crise et que le changement est primordial. Ce sont eux qui nous ont approchés parce qu’ils sont conscients que ReA représente ce qu’ils recherchent pour rétablir et protéger les droits humains, de la nature, sociaux, économiques…

Dans l’éventualité de deux tickets, seriez-vous dans la course ou sacrifiée ?
Cette décision sera prise démocratiquement par les membres du parti.
Dans quelle circonscription seriez-vous candidate ?
Comme c’est ma première participation aux élections générales, j’aurais été comme chez moi dans ma région, la circonscription de Belle-Rose/Quatre-Bornes. Mais je sais que les habitants de Quatre-Bornes plébiscitent Kugan (Parapen). Peu importe où je serai candidate, je ferai le travail attendu de moi, d’autant qu’une équipe soudée m’entoure.

Tout comme pour les circonscriptions, la question de l’appartenance ethnique semble rester à clarifier avec le PTr-MMM. Sous quelle appartenance vous présenterez-vous sous la bannière PTr-MMM-ND/ReA ?
ReA discutera de cette question ce week-end. À un moment, il y avait la suggestion faite que nous nous présentions under protest sous différentes formes. Mais je ne peux rien avancer pour le moment.

Vous pourriez vous retrouver sur la même estrade que vos potentiels partenaires lors d’un meeting. Le vocabulaire grossier, y compris les attaques personnelles, ne fait pas partie du folklore de ReA. Comment vous adapteriez-vous à cette situation ?
Ce sera un défi. Nous n’avons pas de temps à perdre avec les attaques de bas étage et les humiliations. Nous allons continuer à consacrer notre temps à promouvoir nos idéologies et resterons fidèles à notre éthique. Nous avons beaucoup discuté et mûrement réfléchi avant d’envisager une alliance. Mais pour le bien du pays, nous devons travailler avec ceux qui pourront nous mener au Parlement afin d’apporter les changements constitutionnels que nous souhaitons. C’est dans cette optique que nous nous concentrons sur les priorités de notre agenda.

Vous savez très bien que dans une alliance, en public on se caresse dans le sens du poil et on flatte ses dirigeants. Vous vous êtes préparée à faire de même ?
(Rires). C’est le programme, les idées et les concepts qui vont libérer les Mauriciens de la pression capitaliste et de l’exploitation dans le monde du travail, que je, si je peux dire… caresserai dans le sens du poil. Pas les leaders !

En décrivant votre ténacité dans nos colonnes il y a deux semaines, Ashok Subron nous a dit que vous êtes « enn veritab ti-pima. » Qu’en pensez-vous ?
Je le prends comme un compliment. On attend souvent des femmes en politique qu’elles se contentent de rester en retrait, en tant qu’ombres ou images. Celles qui s’expriment ou qui essaient de défendre leurs idées sont souvent priées de se taire. Pour moi, être un « ti-pima », c’est avoir le courage de se tenir debout et d’exprimer ses convictions, même si cela risque de ne pas plaire à tout le monde et d’entraîner des jugements.

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