En rouge et noir

Je décide chaque jour de voir la vie du bon côté, même lorsqu’elle me fait voir de toutes couleurs. Au-delà de regarder ce qui se passe autour de moi, surtout en ces temps difficiles, je choisis d’admirer la beauté dans ce qui est grand comme dans ce qui est petit. Percevoir ce qu’il y a au-delà de notre bout du nez nous évite, bien des fois, de tomber dans une autolamentation, une autovictimisation, voire, parfois même — et au contraire – aux autofélicitations ! Tout cela pouvant mener à une autodestruction, surtout en les circonstances actuelles où on préconise… l’auto-isolement !

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Ne nous leurrons pas ! En cette période où le père Noël traîne généralement son costume rouge dans les rues et les centres commerciaux, les cœurs et les esprits ne sont pas à la grande fête. Un nombre considérable de familles est en deuil. D’autres peines à s’en sortir, la situation financière des foyers s’aggrave, les porte-monnaie s’allègent, les portefeuilles se vident, alors que de nombreuses compagnies ont du mal à s’autofinancer étant dans le rouge.

Notre Paille-en-Queue blanc et rouge bat de l’aile, d’autant plus que nous sommes à nouveau (bien que moins dramatiques pour le moment) soumis à de sévères restrictions. Notre belle île, posée sur un petit rocher isolé au sud de l’océan Indien, broie du noir et se désespère, cherchant un mouchoir rouge pour essuyer ses larmes proches du désespoir. Ce cauchemar me transporte devant cet îlot éponyme, Mouchoir Rouge, ancré dans la mer turquoise de Mahébourg pour chercher un peu de réconfort. En ce moment de récidive dévastatrice, ce paysage m’insuffle à m’échapper de ces eaux troubles de découragement et m’invite à m’éloigner, de ce pas, à ce tourbillon planétaire qui n’en finit plus. L’air salin me pousse à aller encore plus loin que ce bateau rouge et bleu que je regarde naviguer lentement, à l’aide de ses voiles bleues et vertes hissées sur cette eau plate et calme. Mais, plus au sud que le sud, que trouverions-nous à part cette immense étendue d’eau à perte de vue qui nous suggère, à tort, que le monde est en train de perdre le cap, de se perdre à l’infini, se dirigeant vers nulle part ! Bref, qu’il est foutu. Le seul coupable : cette période de ténèbres qui voile la lumière.

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Nous allons de rebondissements en mauvaises surprises, d’imprévus en réajustement, de résilience en résistance. Jusqu’à quand ? Jusqu’où ? Dieu seul a la réponse. Nous avons l’impression que nous sommes au bord du fléchissement. Allons donc, non, nous n’allons pas perdre pied !

Le 1er décembre 2021, tel un enfant puni, nous avons été pointés du doigt sur la place internationale, la France nous ayant tagués d’une nouvelle étiquette : « rouge écarlate ». À savoir que c’est grave. Avec ce qualificatif, nous voyions presque du sang couler sur notre petit paradis, telle une victime aux mains d’un meurtrier sanguinaire. Nous étions classés « zone rouge » juste avant, puis « rouge écarlate » et quelques jours après, retour à la case « zone rouge ». Mais, dites-moi, comment une situation peut-elle être plus grave, ou moins grave, que grave ? Si lorsque nous étions dans le rouge, ce n’était pas si grave finalement, cela est d’autant plus grave puisque l’économie d’un pays (petit de surcroît) dépend des cartes posées sur l’échiquier international possiblement avec trop de précipitation et peut-être sans suffisamment de discernement diplomatique. Tel un carton rouge brandi, la partie semble finie pour tant de voyageurs. Mais un homme averti en vaut deux, vous me direz, je le concède ! Vous me crierez : « Il vaut mieux prévenir que guérir ! » Cela est tellement juste et évident. Cependant, il y a de quoi être rouge de colère : l’industrie touristique est une fois de plus menacée et pas qu’elle, bien évidemment.

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Le monde est à plat et se bat ; les Mauriciens subissent et s’offusquent. Nous sommes sous la coupole des décisionnaires qui cherchent à toujours plus nous imposer des « solutions » (bonnes ou mauvaises, que sais-je !), nous contrôler, nous museler, nous interdire, pour nous sauver de qui, de quoi ? De nous-mêmes au final. Natasha, ma fille, voudrait, elle, se sauver de ceux-là mêmes qui proposent et disposent avec incohérence et arrogance. Mais où aller lorsqu’on n’est plus sûr de pouvoir revenir ? Pourquoi vouloir quitter le bateau devant ces vagues rugissantes et démontées qui, d’ailleurs, s’abattent également partout ailleurs ? Est-il juste de vouloir fuir ce qui nous pend au nez ?

De raison, nous ne l’avons plus que par la force de notre robustesse et de notre bonne volonté. De discernement, nous en avons encore que par notre bonne foi et par l’audace à ne pas vouloir céder. Et que reste-t-il de notre patience qui s’impatiente de pouvoir passer à autre chose, tant elle s’essouffle à force de retenir son souffle en appréhendant ce qui pourrait encore arriver. Alors que nous débutions l’année 2021 avec un M.M.M. désormais notoire (Merde Mon Masque, Week-End du 10.01.21), nous terminons l’année par un autre type d’exclamation : « Ayo ! Qu’y a-t-il encore ! » Nous sommes dépités, désabusés.

Nous voyons rouge ces derniers temps et cette année, plus encore que celle passée, est une année noire. Ce serait tellement compréhensible si nous faisions une colère noire devant nos prières qui semblent rester lettre morte. Mais à quoi bon ! Ce qui ressort principalement, c’est que nous n’avons même plus la force pour la colère et la révolte. Nous sommes las et avons juste envie de terminer l’année sous la bonne étoile de Noël. Cette fête qui rallume l’espérance et annule les barrières ; qui encourage la charité et dénonce avec peine la division ; elle qui donne un bon coup de pouce à la bonne foi qui nous anime et qui peut réchauffer, même si ce n’est que le temps d’une nuit, ceux qui ont perdu foi en la vie.

Mettons-nous en chemin vers cette fête réjouissante et remplie d’espoir. Hissons la voile aux couleurs de cette célébration qui respire la vraie paix et la joie pleine, avec du rouge certes, mais aussi du dorée, de l’argent, du blanc. Contre vents et marrées, continuons avec le même courage, la même envie de nous en sortir et le même désir de survivre. Rangeons le noir au placard et que la beauté de la vie surpasse tout, malgré tout !

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