Mieux qu’un avertissement

Ce qui s’est passé à Plaine Magnien mercredi ne doit absolument pas être minimisé. Il est symptomatique de l’humeur du pays et du ras-le-bol grandissant de la population encore plus sur ses nerfs qu’aujourd’hui elle est confrontée à une réduction de son pouvoir d’achat.

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Ce gouvernement est aux affaires avec seulement 37% des suffrages populaires. Il l’a oublié. Il a fait et continue de faire comme si le Sun Trust et le Bâtiment du Trésor étaient des frères siamois. Il n’a pas non plus tenu compte du sévère avertissement administré le 29 août 2020 par les 150 000 personnes qui étaient descendues dans les rues de Port-Louis, choquées par le naufrage du Wakashio et de la gestion calamiteuse de la catastrophe et celle, autocratique, du pays.

Son poulain à Rodrigues vient d’être éjecté du gouvernement régional pour cause de trop grande proximité avec le pouvoir central et une administration locale qui n’a rien à envier aux pires frasques et excès de Port-Louis. Et mercredi, deux ministres ont été contraints de quitter le Citizens Advice Bureau de Plaine Magnien sous bonne escorte parce que des habitants de la localité en ont marre des inondations qui gâchent régulièrement leur vie.
Et quelle est la réponse officielle à la colère légitime des habitants et de leurs représentants locaux qui, en plus, désignent la construction d’un bâtiment public sur un terrain marécageux comme la raison principale des accumulations d’eau jusque dans leur résidence ?

Organiser rapidement une nouvelle réunion pour écouter ce que les habitants et leurs représentants ont à dire et à proposer ? Ce qui aurait été la seule réaction logique et appropriée aux récriminations des habitants. Non, la réponse, c’est lancer la police aux trousses des protestataires. Un peu comme le gouvernement l’avait fait après les revendications légitimes et spontanées des habitants de Bambous Virieux privés d’eau pendant plusieurs jours. Alors même qu’on leur avait promis la fourniture 24/7 depuis 2014 !

Ils n’en appellent pas à la police parce qu’ils croient dans l’état de droit. Oh que non, sinon, les nombreux bandits qui gravitent autour des puissants se seraient depuis longtemps retrouvés derrière les barreaux. Non, c’est fait pour intimider, pour empêcher que d’autres protestent de la même manière. Ailleurs, des élus comprennent que leurs mandants puissent être impatients, exaspérés et qu’ils l’expriment. De la farine a été jetée sur des élus. Ils n’ont pas porté plainte pour autant. Un candidat à la présidentielle en France, dont le premier tour se tient aujourd’hui, a reçu un œuf sur la tête, il n’a pas non plus été pleuré au commissariat.

C’est la manière agressive et autocratique de gérer les affaires du pays de ce gouvernent minoritaire qui est la source première de ces réactions d’indignation et de la colère que l’on enregistre un peu partout et dans tous les milieux. Où que l’on regarde, il y a la politisation outrancière et malsaine des institutions, la vampirisation des organismes publics et la confiscation de tous les centres de décision. Cela commence avec les nominations à l’Electoral Supervisory Commission et le Commissaire électoral qui ont vu la confiance absolue jadis placée en eux fondre depuis 2014.

Lorsque l’Assemblée nationale est transformée en caricature parce qu’un Speaker contesté y a été planté et qu’il se croit autorisé de “name” des parlementaires de l’opposition pour un oui et pour un non, et que les rapports du Public Accounts Committee et du directeur de l’Audit sont traités avec désinvolture alors même qu’un fonctionnaire est venu dire avoir eu des instructions de « son ministre », c’est normal que la colère s’exporte dans la rue. À force d’empêcher les élus de s’exprimer, leurs mandants le font à leur place. Et parfois de manière très abrupte.

Lorsque la MBC se transforme en chaîne personnelle de Pravind Jugnauth et qu’elle se croit autorisée à organiser des débats sur la « liberté de la presse » sans crainte de paraître risible et ridicule, c’est qu’il y a quelque chose de profondément vicié dans notre République version gouvernement MSM et ses acolytes.

Lorsque des personnes croient qu’il faut graisser la patte de quelques bien connectés pour obtenir quelque chose qui devrait leur revenir de droit, c’est normal que les gens pestent. Ce n’est pas pour rien que l’on entend que des malfrats sont de temps en temps épinglés pour avoir soutiré de l’argent à des personnes qui aspirent à un emploi au sein de la force policière, dans le public et le parapublic.

Mais pour une ou deux dénonciations, combien sont passés à travers les mailles du filet et qui se sont enrichis en prenant des pots de vin pour un permis, un job ou un service express ? Parce que la corruption s’est institutionnalisée et que ceux qui sont censés la combattre sont eux-mêmes soupçonnés de pratiques frauduleuses.

On parle constamment de gaspillage des fonds publics, de ses contrats toujours alloués à ceux qui ont pourtant déjà été épinglés pour divers délits. Que l’on ne s’y méprenne pas, le gaspillage est le corollaire de la corruption. Et l’absence de réponses aux critiques des autorités tant locales qu’internationales sur l’étendue de la corruption est plus qu’éloquente. Les milliards que l’on jette pendant que des familles éprouvent de grandes difficultés pour boucler leur fin de mois est aussi une des raisons de la grande frustration des Mauriciens. Et ce ne sont pas les lamentations du Premier ministre dans ses meetings socioculturels qui vont les faire disparaître ou faire oublier la Dubai extravaganza.
La notion même du développement, mot si cher au MSM, qui s’articule autour du tout béton, ne rencontre plus l’adhésion de la population qui soupçonne les grands projets coûteux de prestige de cacher des pratiques peu avouables. C’est pourquoi Plaine Magnien fut mieux qu’un avertissement. C’était un véritable coup de semonce pour dire stop ! À toutes les dérives, à l’arrogance du pouvoir, à la corruption, à l’opacité et au recul de la démocratie.

JOSIE LEBRASSE

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