Notre maison brûle…

Le Premier ministre a fait de graves critiques et allégations contre une magistrate et le Directeur des Poursuites Publiques, la semaine d’avant. Et, qui plus est, devant une assemblée de religieux d’une communauté spécifique. En traitant la magistrate d’incompétente et son jugement de bancal, l’avocat, qui dit connaître la loi sur le bout des doigts, que Pravind Jugnauth prétend être, a, selon des juristes expérimentés, qui eux plaident depuis des années, commis un outrage à la Cour. En ce faisant, il a non seulement insulté la magistrate, mais également ceux qui, dans les commissions et autres comités, l’ont nommée ainsi que les responsables du judiciaire. Dont la Cheffe juge. Non seulement Pravind Jugnauth n’a pas démenti avoir tenu les propos qu’on lui prête, mais il a maintenu son… jugement sur la magistrate et le DPP en déclarant cette semaine « kan ena pou kritike, mo pou kritike. » Au lieu de s’excuser, ce que ferait un Premier ministre digne de ce nom soucieux de veiller à la séparation des pouvoirs, base de la démocratie, Pravind Jugnauth persiste et signe. Il continue à considérer qu’il fait partie de ceux qui n’ont jamais fauté, qu’il a raison en tout, pour tout et tout le temps. Il semble reprendre à son compte un proverbe monarchiste qui affirme que « The king can do no wrong ». Attitude qui lui donne de plus en plus un faux air de Vladimir Poutine…

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On s’attendait à une prise de position immédiate, ferme et sans aucune ambiguïté du Bar Council contre ces attaques. Il aura fallu attendre un mois pour que la nouvelle direction du Bar Council se réunisse. Pas de sa propre initiative, mais à la demande d’une quinzaine de ses membres réclamant une réunion… d’urgence, comme l’exigeait la situation et les attaques. À la place de la prise de position ferme et sans ambiguïté attendue, on a eu droit à un discours vague, consensuel et un aveu de faiblesse « ki nou kapav fer ? » Au lieu de prendre position contre ceux qui attaquent ses membres, la direction du Bar Council a botté en touche en demandant à la Cheffe Juge et au président de la République d’intervenir pour défendre la profession. Entre les premières attaques — du commissaire de police et sur les réseaux sociaux — et la réunion de la direction du Bar Council, Pravind Jugnauth avait ajouté son paquet de sel dans le débat et lancé publiquement ses attaques contre la magistrate et le DPP. La nouvelle direction du Bar Council a réussi l’exploit — c’en est un ! — de ne pas mentionner ce fait et encore moins de le condamner dans son communiqué ! Il paraît qu’elle ne l’a pas fait parce que les attaques du PM ne figuraient pas à l’ordre du jour de la réunion ! Ce qui me fait penser à une célèbre phrase de feu le président français Jacques Chirac au Sommet de la Terre, en Afrique du Sud, en 2002 : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ! » Dimanche dernier dans cette même rubrique, j’écrivais « L’avenir nous dira si les menaces ont atteint leur objectif ou si les magistrats continuent à faire leur métier qui consiste à utiliser les textes de loi pour rendre la justice, pas de faire plaisir à X, Y ou Z quelle que soit sa filiation avec les puissants du jour. » En ce qui concerne la nouvelle direction du Bar Council, on dirait que le choix a été fait…

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Comme c’est de plus en plus le cas au gouvernement, la ministre de l’Éducation a annoncé qu’elle a décidé qu’il y aurait des jours de classe supplémentaires pendant le premier et le deuxième trimestres pour rattraper les nombreux jours d’école perdus à cause des alertes aux grosses pluies. Comme il fallait s’y attendre, des syndicats ont protesté contre cette mesure qui va faire travailler leurs adhérents quelques jours de plus. Sur le fond, la ministre a raison : il faut tout de même remplacer ces jours d’école perdus, afin que le sacro-saint programme scolaire soit complété avant que les élèves ne passent les examens.

Le problème c’est que cette décision a été prise et annoncée sans discussion, sans concertation avec les partenaires de l’Éducation, dont le personnel enseignant qui sera chargé de la mettre en application. Cette propension à décider et à décréter unilatéralement a déjà conduit le ministère de l’Éducation à prendre de mauvaises mesures et l’a même obligé à annuler ses propres décisions !

Est-ce que les nombreux experts du ministère ont effacé de leur vocabulaire le mot dialogue qui est pourtant un des aspects fondamentaux de la pédagogie ? Tout comme le Premier ministre semble, lui, confondre entre critique et insulte !

 

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