Stèle enlevée : « Crime contre la mémoire du peuple mauricien ! »

La stèle commémorative a été enlevée, voire arrachée du Mahebourg Waterfront, vendredi. Et ce, après une semaine de démarches des activistes de Rezistans ek Alternativ (ReA), qui ont décidé de saisir la justice dans l’espoir d’obtenir un jugement juste et définitif. Pourquoi ordonner la destruction d’un monument alors que toutes les procédures ont été suivies et pourquoi avoir attendu tout ce temps pour le faire ? Dépité, Ashok Subron, un des porte-parole de ReA, ne cache pas sa colère et son incompréhension face à cet acte « grossier » et « lâche » de l’État mauricien. Il répond à nos questions.

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Que représentait cette stèle installée sur le Mahébourg Waterfront ?

Avant tout, il faut parler des trois crimes qui ont eu lieu dans toute cette affaire du Wakashio. Il y a d’abord le crime écologique. Et il faut le souligner que Rezistans ek Alternativ a fait quelque chose que personne n’a fait au moment où le Wakashio a commencé à répandre son huile dans le lagon : on a installé des bouées fabriquées avec de la paille de canne et qui ont été utilisées pour empêcher l’huile de se répandre davantage. Et à partir de là, il y a eu cet élan de solidarité et de mobilisation citoyenne qui a déferlé sur le front de mer mahébourgeois. ReA a donc contribué humblement à cette mobilisation citoyenne. Il y a ensuite le crime social, car l’État mauricien, face à un tel crime écologique, à un tel drame, aurait dû défendre l’intérêt de ces citoyens, furent-ils des opérateurs de la région, ou encore des habitants qui ont souffert et qui souffrent encore des conséquences du Wakashio. Au lieu de faire cela, l’État s’est engagé dans une opération en faveur des opérateurs économiques japonais. D’ailleurs, ReA a mis en évidence les papiers que font signer les Japonais aux Mahébourgeois, pour une compensation dérisoire de Rs 10 000 et pour leur faire renoncer à leurs droits légitimes de poursuivre l’État mauricien et les opérateurs japonais. L’État mauricien s’est engagé dans un crime social, au détriment de ses citoyens, et au profit des Japonais. Et finalement, il y a le crime envers la mémoire du peuple mauricien et de tous ceux qui étaient présents du 7 août à mi-septembre, et ce que nous avons vu, vendredi, est la concrétisation de ce crime-là. Le peuple mauricien à ce jour-là fait montre de son amour sans pareil, et de son attachement profond à son pays. Ce fut un grand moment d’écologie populaire, et ce moment-là, la mémoire de cet événement fort est aujourd’hui souillée, profanée…

Quelles ont été les raisons évoquées par les autorités pour justifier cet acte « profane » ?

L’on a reçu un courriel du Chief Executive du conseil de district de Grand-Port nous disant que ce qui avait été inscrit sur la plaque n’était pas correct, alors que le conseil de district de Grand-Port a approuvé, en bonne et due forme, l’installation de la plaque en granite dans un premier temps en août, et de la stèle ensuite un mois après. D’ailleurs, le conseil de district n’a jamais approuvé la lettre envoyée la semaine dernière ordonnant la destruction de la stèle ! Et cela, nous mettons au défi le ministre Husnoo des Collectivités locales de nous dire le contraire, car c’est son ministère qui a ordonné cela. Le conseil de district n’a émis aucune objection au wording que j’ai soumis personnellement au président, la veille de la présentation officielle de la plaque, le 7 août. Mais il faut dire que depuis le commencent, nous avons fait face à des tentatives typiquement « jugnauthiennes » pour nous empêcher d’aller de l’avant avec ce projet. Voyez-vous, la lettre de demande d’autorisation a été envoyée le 22 juillet 2021 et le 6 août, soit à la veille du dévoilement de la plaque, que l’on reçoit un email faisant état des conditions, dont parmi le wording à soumettre au conseil, qui vous l’aurez deviné n’était pas en mesure de se réunir en soirée pour prendre une décision pour le lendemain. Je décide donc d’envoyer les documents nécessaires au président du conseil qui l’approuve. Le soir du 6 août, alors que nos membres préparaient l’inauguration, ils se feront interpeller par des policiers. J’ai dû encore une fois appeler personnellement le DCP qui a rappelé ses hommes à l’ordre, et pour nous laisser continuer nos démarches. De plus, en septembre, avant l’installation de la stèle cette fois, l’on a encore reçu un mail nous disant cette fois-ci que le Mahebourg Waterfront n’est pas sous le District Council, mais sous Landscope ! Et ce sont aujourd’hui ces mêmes personnes qui nous demandent d’enlever une stèle qui se trouverait sur un terrain ne leur appartenant pas ? Tout cela est extrêmement grossier. En tout cas, ce qui est sûr c’est que c’est l’État qui a fait enlever cette stèle et pour reprendre un des commentaires vus sur les réseaux sociaux, c’est du vandalisme de l’État.

Maintenant que la stèle a été enlevée, what’s next ?

On a fait appel au conseil de district, car nous ne nous battons pas uniquement pour la stèle qui a été enlevée, mais aussi pour le droit démocratique qui a été enlevé. Nous défendons aussi l’intégrité de la démocratie régionale, car ce ne sont pas les conseillers du district qui ont fait enlever la plaque. La décision vient d’en haut. Et on fait appel aux conseillers de village pour faire briller la vérité. Par ailleurs, nous sommes en ce moment dans un moment important dans l’affaire Wakashio, et cela vous le verrez dans tous les pays du monde qui ont eu à faire face à un oil spill d’envergure. Nous sommes dans la phase où ceux qui sont victimes sont tus, en l’occurrence ici, tout est fait pour silence everybody. Donc, je ne pense pas que la décision de faire enlever cette plaque maintenant soit une coïncidence, un fruit du hasard. D’ailleurs, les Japonais installent en ce moment un kiosque sur le Waterfront. Serait-ce une des raisons ? Essaie-t-on d’effacer la mémoire par tous les moyens ? L’histoire nous a montré que les dirigeants de pays qui ordonnent la destruction de livres, de monuments se dirigent vers des sociétés fascisantes. À cela, je répondrai par une anecdote. J’ai rencontré, hier, un Mahébourgeois qui a été témoin de toute la scène vendredi soir quand ils ont enlevé la stèle. Il m’a dit : « Ou kapav tir tou stel, moniman, me nou Maybourzwa zame nou pou kapav blié. »

 

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