Tokmaria, location et compensation

Le feuilleton Bruneau Laurette n’en finit pas, la police n’arrivant pas à présenter les preuves justifiant son arrestation. Ces allées et venues en cour, et cette incapacité à répondre aux questions des avocats de la défense donnent de plus en plus l’image d’une police ayant mis la charrue devant les bœufs ou, si l’on préfère, ayant vendu la peau de l’ours avant de l’avoir tué. En plus, le fait que les membres de la Special Striking Team chargés de mener la lutte contre le trafic de drogue soient capables de confondre drogue synthétique et graines de tokmaria ne va pas aider à croire dans leur professionnalisme. Oui, vous avez bien lu : la substance que la Special Striking Team avait annoncée comme étant de la drogue synthétique s’est révélée après examen en laboratoire être des graines de chia, soovent appelées tokmaria à Maurice. Vous savez, ces petites graines noires qui gonflent dans l’eau, ou n’importe quel liquide, et qui servent de base à cette délicieuse et rafraîchissante boisson que l’on appelle alouda. Ce n’est pas cette séquence, digne des meilleurs sketches de Flics en délire, qui va faire remonter la cote de sérieux et d’efficacité de la police mauricienne. J’écris souvent que les meilleurs agents politiques de Pravind Jugnauth sont les partis d’opposition désunis. Dans cette optique, on peut dire que les meilleurs agents de l’image publique de Bruneau Laurette sont les hommes de la Special Striking Team.
*
On avait cru le gouvernement animé d’intentions nationalistes et patriotiques les plus nobles dans le gestion du dossier Chagos. On commence à le dire de plus en plus fort : ce qui intéresse le gouvernement, ce n’est pas le retour de l’archipel des Chagos au sein des frontières de la République de Maurice, c’est juste la location que Port-Louis espère tirer de Washington en passant par l’entremise de Londres. C’est avec cette location payée, avec ces dollars que la Banque de Maurice vend régulièrement sur le marché local, que le gouvernement compte pour équilibrer un tant soit peu son budget. Car malgré le fait que le tourisme recommence à rapporter des devises, les caisses de l’État sont loin d’être pleines, surtout avec les ponctions faites pour financer les opérations de la Mauritius Investment Corporation, entre autres. Est-ce que Pravind Jugnauth va faire comme son père, qui à l’époque faisait le tour de ses maisons « pou ramas larzan lokasion » en allant à Washington puis à New Delhi ? La première destination pour récolter la location de Diego Garcia, l’autre pour celle d’Agaléga.
*
Un petit mouvement de colère commence à se faire sentir du côté des membres du troisième âge qui, grâce à l’augmentation de leurs pensions, étaient devenus un segment important de l’électorat de Pravind Jugnauth. Cette poussée de fièvre est, bien sûr, causée par le fait que leur catégorie socioélectorale a été complètement ignorée par le ministre des Finances pour la compensation salariale mensuelle de Rs 1000. On entend dire, avec raison, que les augmentations de prix touchent l’ensemble de la population, y compris le troisième âge et que la compensation devrait être générale. Selon certaines sources, « l’oubli » des pensionnaires ferait partie d’une opération de com à la Vishnu Lutchmeenaraidoo. Souvenez-vous : à la veille de chaque budget national, l’ex-Grand Argentier annonçait un exercice « serre ceinture » pour finalement présenter une « no tax budget » en instituant la tradition de l’exercice du tap latab par les parlementaires de la majorité. Car un réservoir de voix de plus 200 000 personnes, ça compte, surtout dans une élection que l’on espère gagner — avec les divisions de l’opposition — avec, comme en 2019, avec moins de 40% des suffrages exprimés. Par conséquent, les sources bien informées disent qu’une intervention de Pravind Jugnauth en Père Noël annonçant aux pensionnées que, malgré la crise, il a fait un effort spécial pour eux n’est pas à écarter.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -