Une ambition de contrôler l’océan

Pour qui s’intéresse à la géopolitique, l’intérêt que porte l’Inde aux îles comme les Seychelles et Maurice ne devrait nullement surprendre. De tout temps, New Delhi a considéré l’océan Indien comme son précarré, d’autant que, peut-on lire dans un document ancien, que l’océan porte, après tout, le nom indien.

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L’ambition de l’Inde d’y établir son contrôle par air et par mer a été longtemps frustrée durant la Guerre Froide (1945-1990) en raison d’une proximité soupçonnée de dirigeants comme Nehru et Indira Gandhi avec la défunte Union soviétique (l’URSS). Malgré leur appartenance agissante au Mouvement des Non-Alignés – Jawaharlall Nehru en fut d’ailleurs un des pères fondateurs -, ces deux dirigeants et leur parti, le Congress, n’avaient pas la confiance des Américains et de l’OTAN. À un moment donné, au Pentagone, les militaires américains, si méfiants envers les Indiens, entretenaient même le plan de confier la « protection » de leurs intérêts dans l’océan Indien à l’Iran plutôt qu’à l’Inde. Toutefois, la révolution islamique menée par l’Ayatollah Khomeiny contre le Shah Reza Pellavy — à l’époque chouchou de Washington — était venue bouleverser ce plan, lequel, s’il avait abouti, aurait alors peut-être doté d’emblée l’Iran de l’armement nucléaire que les Américains eux-mêmes redoutent tant de nos jours Ensuite, l’entrée des militaires US à Diégo Garcia vers la fin des années 1970 et, plus tard, l’effondrement total de l’Union soviétique ont complètement rebattu les cartes.

Avec les nouvelles donnes, l’Inde, surtout sous les gouvernements BJP de Vajpayee et de Modi, a complètement réorienté sa politique étrangère. Comme pour la plupart des autres pays de la région, y compris Maurice, elle a d’abord tourné le dos au concept de “l’océan Indien, zone de Paix”, que New Delhi avait pourtant elle-même patronnée à la Conférence de Colombo, à Ceylan (actuellement Sri Lanka) en 1978. New Delhi s’est effectivement beaucoup rapproché des États-Unis, pays avec lequel l’Inde mène désormais des exercices navals communs et fréquents. Aux yeux de nombreux observateurs, ces exercices visent surtout à dissuader la Chine, une puissance navale montante, de toute velléité expansionniste, et personne ne doute de la création d’un nouvel axe indo-américain.

Dans ce contexte de redistribution des rôles et en dépit de la position de New Delhi favorable à Maurice dans le dossier Chagos, il ne serait donc nullement étonnant que les Américains permettent maintenant à leurs nouveaux amis à New Delhi d’établir un chapelet de bases militaires dans cette partie du monde. En commençant par Assomption, puis Agaléga, en passant par les Maldives. La piraterie maritime somalienne est d’autant plus un bon prétexte. Le Secrétaire aux Affaires étrangères Jaishankar s’est fait fort de rappeler à Mahé que, en tant que voisins océaniques,« l’Inde et les Seychelles ont, au fil des années, élaboré toute une infrastructure de défense et de coopération sécuritaire».

Dans ce cadre qui s’étend à la surveillance des 1,3 million de kilomètres carrés de la zone économique exclusive des Seychelles, l’Inde a équipé les Forces de défense populaires des Seychelles d’un système de surveillance radar des côtes et d’un deuxième avion Dornier.

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