Ces amoureux du patrimoine qui ne lâchent pas l’affaire

Le Jardin de Pierre Poivre 1719-1786 et les Samadhi de Chacha et SAJ

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Serge D. Astruc : « Notre campagne vise à empêcher toute nouvelle crémation ou la construction de samadhi (sanctuaire) au sein du Jardin de Pamplemousses »

— « We fervently seek a solemn commitment from the three incumbent Prime Ministers, Navin Ramgoolam, Paul Bérenger, and Pravind Jugnauth… to prohibit any future cremations on this beloved ground »

Des amoureux du patrimoine, mais surtout de leur île. L’association Le Jardin de Pierre Poivre 1719-1786 vient de voir le jour et son objectif est double : d’une part, ramener les autorités à la raison sur la conservation, le maintien et le respect du site historique du Jardin de Pamplemousses, et de l’autre amorcer une prise de conscience collective sur la préservation du patrimoine, quel qu’il soit. Plusieurs correspondances ont été envoyées aux autorités concernées et une pétition publique a été lancée, récoltant plusieurs milliers de signataires. Serge D. Astruc, un des membres fondateurs du groupe, nous en dit plus.

« Le changement ne vient pas de ceux qui attendent que quelqu’un d’autre agisse. Il vient de ceux qui sont déterminés à agir. » Cette citation de l’auteur français Antoine de Saint-Exupéry et que Serge Astruc nous a lui-même partagée résumerait à elle seule la démarche du collectif Le Jardin de Pierre Poivre 1719-1786. Las du laxisme des autorités à l’égard de ce site et des largesses de celles-ci, les membres de cette association ont décidé de prendre les choses en main.

« Tout a commencé par plusieurs messages adressés à Navin Ramgoolam, Paul Bérenger et Xavier Luc Duval concernant le Jardin de Pamplemousses qui sont restés sans réponse, sans même obtenir un accusé de réception. Alors, j’ai pris les devants et j’ai fait une pétition en ligne sur le site international Change.org et j’ai formé une équipe dont les noms figurent sur la pétition pour gérer le projet. Notre pétition en ligne a gagné en popularité, avec un remarquable soutien de presque 70 000 personnes. Près de 4 000 ont signé la pétition, et 2 000 autres l’ont partagée, le tout sans hésitation ni crainte de représailles. Nous sommes reconnaissants de ceux qui ont participé », explique Serge D. Astruc.

En effet, depuis le début de cette année, le Jardin botanique de Pamplemousses s’est retrouvé sous le feu des projecteurs, ayant fait notamment l’objet de plusieurs articles de Week-End, déplorant l’état décrépit des lieux et, de facto, sa mauvaise gestion, mais aussi relevant la présence de deux samadhi sur ce site, ceux de sir Seewoosagur Ramgoolam et de sir Anerood Jugnauth.

« Notre campagne vise à empêcher toute nouvelle crémation ou la construction de samadhi (sanctuaire) au sein du Jardin de Pamplemousses et en assurer l’entretien professionnel et permanent de notre patrimoine à travers des lois. Dans notre lettre ouverte à tous les élus de l’Assemblée nationale, nous précisons : “In articulating our stance, we do not advocate for the removal of the existing samadhi ; rather, we fervently seek a solemn commitment from the three incumbent Prime Ministers, Navin Ramgoolam, Paul Bérenger, and Pravind Jugnauth. We implore them to ensure the preservation of this pristine garden and prevent any further encroachment upon its sanctity. To this end, we earnestly request the enactment of legislation to prohibit any future cremations on this beloved ground” », ajoute-t-il.

Le Champ de Mars, cas similaire

D’autant que les samadhi en question ont été classés patrimoine national, tandis que le jardin de botanique, non. Une anomalie qui pourrait soulever des interrogations quant aux critères préétablis pour accéder à un tel statut. D’ailleurs, « cela me gêne de voir que trois mois après la construction du samadhi de sir Anerood Jugnauth, le conseil des ministres annonce une décision pareille le 2 septembre 2022. Cependant, il n’y a rien de nouveau dans cette attitude du gouvernement d’oublier le Jardin de Pamplemousses. Comme nous a dit Armaan Shamachurn (ndlr : de SOS Patrimoine en péril) dans un article du 4 septembre, cette grosse ‘incohérence’est similaire au cas du Champ de Mars, qui malgré ses 210 ans d’histoire n’est pas reconnu comme un patrimoine national non plus. Notons que le Château Mon Plaisir, situé à quelques mètres des samadhi, fut classé patrimoine national en 1951 et non pas le jardin, ce qui reste un mystère. Personnellement, je pense que la superficie du jardin, qui a progressivement diminué au profit d’autres individus ou groupes au fil des ans, peut être une raison. »

Si aujourd’hui les membres de l’association n’ont que leurs plumes pour essayer de ramener les autorités à la raison, ils gardent espoir. « Il est difficile de prédire avec certitude si une pétition concernant le Jardin de Pamplemousses fera écho auprès des autorités mauriciennes. Cela dépendra de plusieurs facteurs, le soutien public, la sensibilisation de la cause et la manière dont elle est présentée. Cependant, je peux vous annoncer qu’Arvin Boolell nous a vraiment surpris en nous annonçant son accord et son engagement à notre cause, déclarant : Faites-moi confiance. Assez, c’est assez, et dans un autre courrier ‘Rest assured of my support. I fully concur’ Nous veillerons à ce qu’il tienne parole. »

Et de conclure : « Plusieurs personnes m’avaient prévenu de ne pas m’aventurer dans cette démarche, mais j’étais déterminé à amener ce projet à bout avec la collaboration de la population, car sans elle, ce n’est pas possible. S’ils m’entendent, qu’ils me rejoignent sur mon site Facebook Le Jardin de Pierre Poivre 1719-1786 en signe de solidarité. La pétition est toujours ouverte sur ici : https://www.change.org/p/save-the-historical-legacy-of-the-famous-18th-century-pamplemousses-garden-of-mauritius-p’ »

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HORS TEXTE

Quid du Jardin botanique de Curepipe ?

Si à l’instar des Indiens (les jardins du Taj Mahal) ou encore des Français (jardin des Tuileries), l’on décidait de revaloriser nos jardins botaniques au cachet historique, le potentiel touristique serait énorme et surtout « pour un monde qui se montre très sensible à l’environnement planétaire. » En plus du Jardin botanique de Pamplemousses, le Jardin botanique de Curepipe mérite aussi que l’on s’y attarde.

« On n’a qu’à voir le nombre de personnes nommées pendant les dix dernières années à la direction du jardin et leur qualification pour gérer un jardin botanique de cette envergure. Je vous propose deux commentaires qui résument la situation. Je suis tout à fait d’accord avec ce commentaire fait par notre collaboratrice Priscilla Amorsen, sur notre site :’Comment est-ce que ce beau jardin, renommé il n’y a pas si longtemps de cela, se trouve-t-il aujourd’hui dans un tel état de dégradation ? […] Sûrement, ce joyau de l’océan Indien mérite d’être secouru et même placé sur la liste du patrimoine national de l’UNESCO, bénéficiant du statut de grande importance historique et culturelle’ », dit Serge D. Astruc.

Prakash Neerohoo, en visite tout récemment à Maurice, confie qu’ « en février 2023, j’ai visité le Jardin botanique de Curepipe lors de mon passage à Maurice. Contrairement à mes espérances, j’ai constaté un jardin botanique en état de décrépitude. Le jardin tout entier n’était pas bien entretenu. J’ai vu des débris d’arbres çà et là. Dans un coin, des travailleurs fouillaient le sol pour y aménager une structure en béton qui allait servir à abriter des cérémonies religieuses. En quoi la religion est-elle pertinente pour l’entretien ou la nature d’un jardin botanique ? Un jardin botanique a une valeur naturelle intrinsèque qui réside dans ses plantes et arbres endémiques. D’ailleurs, j’ai vu un palmier rare qui était entouré d’une clôture en fer supposément pour le protéger. Mais cette clôture était laide. Ce n’est pas ainsi qu’on préserve un arbre rare. »

LEGENDES

1-Serge D. Astruc, membre fondateur de l’association

2-Photo des deux samadhi entourant le Château de Mon Plaisir au Jardin de Pamplemousses

HT 3- « J’ai vu un palmier rare qui était entouré d’une clôture en fer supposément pour le protéger. Mais cette clôture était laide. Ce n’est pas ainsi qu’on préserve un arbre rare », déplore Prakash Neerohoo

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