Alliance électorale : Bérenger réitère-t-il le faux pas politique de 2014 ?

Au niveau politique et administratif, le changement est toujours salutaire pour combattre l’usure du pouvoir, la tendance à la corruption et la dégradation des institutions. Dans de nombreux pays d’ailleurs, la Constitution impose une limitation du nombre de mandat présidentiel ou premier-ministériel à 2 ; ce qui n’est pas le cas chez nous. Dans la conjoncture actuelle, la concrétisation de l’alliance de l’opposition parlementaire, l’alliance de l’Espoir, changerait probablement la donne sur l’échiquier et contraindrait le gouvernement, à quelques mois de la fin de sa mandature, à revoir sa copie sur certains dossiers et rectifier le tir là où la situation l’exige.

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Dr DIPLAL MAROAM

S’il est vrai que la masse silencieuse, qui constitue le plus gros segment de l’électorat, ne s’exprime d’ordinaire pas dans les médias ou ailleurs mais uniquement dans les urnes à chaque fois  qu’elle est sollicitée, néanmoins si nos gouvernants veulent s’assurer d’un renouvellement de leur contrat électoral l’an prochain, ils n’ont d’autres alternatives que de se retrousser les manches afin de remettre sur les rails nos institutions dont certaines, et non des moindres, à l’instar de celles responsables du law and order, de la santé publique, du combat contre la fraude et la corruption, etc, souffrent d’une paralysie effroyable lorsqu’elles ne sont pas simplement parasitées par la mafia.

Et ce sont les plus vulnérables de la société qui, ayant recours aux différents services de l’État, mais du privé également chaque jour, en font le plus durement les frais. Cependant, ces mêmes problèmes qui traînent en longueur depuis des lustres trouvent, comme par enchantement, des solutions promptes et efficaces après l’intervention des radios privées. Et cela, paraît-il, n’interpelle personne au niveau de l’administration du pays.

Mais quoi qu’il en soit, l’alliance de l’Espoir aura certainement du pain sur la planche à asseoir sa crédibilité au sein de la population car celui-là même que Paul Bérenger et Xavier-Luc Duval avaient tenté de dissuader de se représenter au poste de PM quelques mois de cela, est maintenant remis en selle par ces mêmes leaders. Qu’est-ce qui a bien pu motiver cette décision renversante alors qu’au sein même du PTr, certains abandonnent le navire tandis que de proches collaborateurs et anciens colistiers de Navin Ramgoolam, notamment Satish Faugoo et Devanand Rittoo, ont préféré prendre leur distance du leader qui, selon eux, doit se mettre à l’écart après avoir mené à deux reprises le parti « dan  karo-kann ».

Et le comité disciplinaire promis depuis février 2023 à l’égard des dissidents pour leurs critiques acerbes, se fait toujours attendre, ce bien que ces derniers, notamment S. Faugoo et Y.Varma, ont clairement fait ressortir qu’ils se rendraient évidemment à ce comité « pour dire les quatre vérités ». Ce qui a manifestement refroidi l’ardeur du leader.

Par ailleurs, il convient de constater que le 21 juillet Navin Ramgoolam a essuyé un cinglant revers devant le Conseil privé du roi dans le contexte de l’affaire des coffres-forts.

Mais la question fondamentale que se pose le citoyen lambda ces jours-ci est : vu la forte personnalité des trois leaders, les profondes divergences entre eux sur nombre de sujets clés comme, par exemple, la réforme électorale, entre autres, arriveraient-ils à cohabiter et s’entendre, au-delà d’un objectif commun de « faire partir Jugnauth » qui n’est en soi pas un programme, pour gouverner en bonne intelligence, dans la sérénité et le respect de la confiance populaire alors qu’ils n’avaient même pu dégager un consensus pour organiser ne serait-ce qu’un meeting le 1er mai ? Et il va sans dire que si Navin Ramgoolam insiste pour occuper à nouveau le poste de PM – et aurait tout fait pour évincer de sa route des concurrents potentiels, à l’instar d’Arvin Boolell, relégué à l’arrière-plan dans la hiérarchie au profit de nouvelles têtes comme Dhaneswar Damry et d’autres –, c’est qu’il aurait  manifestement l’intention tenace de rendre à la famille Jugnauth la monnaie de sa pièce pour les tourments légaux et judiciaires subis depuis janvier 2015. Paul Bérenger et Xavier-Luc Duval accepteraient-ils de le suivre sur ce terrain marécageux malgré les assurances données ? Quel serait, à propos, le motif réel de l’exigence par le leader des rouges de la majorité absolue des investitures, soit 35 ? Bérenger ne commet-il pas aujourd’hui le même faux pas qu’en 2014, se basant alors aveuglement sur sa fameuse « winning formula » avec le PTr ?

Par ailleurs, tout indique que si l’alliance de l’Espoir a été concrétisée sans même la résolution de nombreuses questions en suspens – la composition du front bench, du cabinet, etc, – c’est, semble-t-il, pour devancer le jugement final sur la pétition électorale de Suren Dayal. D’ailleurs, même Navin Ramgoolam a déclaré à l’issue des plaidoiries que « le verdict pourrait être d’un côté comme de l’autre » ; Paul Bérenger ayant manifesté également un sentiment plus ou moins réservé. Mais, dans un sens général, quelle que soit l’interprétation accordée à la section 64 de la Representation of the People Act ayant trait au Bribery and Treating, tirer une ligne de démarcation définitive entre une promesse politique faisant partie du programme électoral et la corruption, d’autant si cette promesse figure également dans le manifeste du parti adverse, n’est pas une mince affaire. L’affaire Medpoint dans laquelle Pravind Jugnauth avait été condamné à 12 mois de prison en première instance en 2015 pour conflit d’intérêts sous la POCA, puis blanchi en appel en 2017 et 2019, a mis en évidence la perception des Law Lords par rapport à la stabilité d’un gouvernement dans une démocratie au sein du Commonwealth.                                                                                                                             

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