Gardons la tête froide !

Tout le monde l’aura constaté : à Maurice, ces dernières semaines auront été particulièrement chaudes, pour ne pas dire caniculaires. Mais notre cas est loin d’être unique, le mercure étant en effet monté bien plus haut dans d’autres régions du monde. La faute au réchauffement planétaire ? En fait, oui… et non. Car s’il est vrai que 2023 aura été l’année la plus chaude jamais enregistrée depuis que nous disposons de relevés météo, soit depuis pas moins de 174 ans, le changement climatique n’est pas le seul responsable de la situation actuelle. La faute en revient ainsi également en partie à la présence d’El Niño. Un duo climatique qui aura donc été à l’origine de nos nuits blanches, mais qui, inévitablement, reviendra aussi périodiquement, chargé à chaque fois de quelques degrés supplémentaires.

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Pour autant, alors que le chaud souffle sur notre pays, simultanément, d’autres régions du monde (comme récemment en Scandinavie, ou encore actuellement en France), elles, sont prises (et surprises) par une vague de froid elle aussi relativement inédite. Au point que l’on pourrait légitimement se demander comment des températures aussi négativement extrêmes peuvent être ressenties dans un contexte de réchauffement global. Un paradoxe, en apparence, qui n’a toutefois rien d’anormal, du moins pour ceux ayant quelques notions élémentaires en science du climat.

Plusieurs raisons expliquent en effet ce phénomène, à commencer par le fait que « météo » n’est pas « climat », le premier terme étant une prévision du temps s’échelonnant entre quelques heures et trois mois, tandis que le second renvoie à l’analyse des variations du temps sur de longues périodes (30 ans minimum). Aussi le réchauffement climatique peut-il s’accommoder de courts épisodes extrêmes, de chaud comme de froid. Expliquant ainsi pourquoi l’Australie a vu son thermomètre grimper récemment à près de 50 °C et inversement celui de la Suède, lui, descendre à -43 °C. Ce qui n’influence que très peu finalement les données climatiques sur le long terme, celles-là même qui nous intéresse le plus, car à l’origine de nos connaissances du climat et du réchauffement planétaire.

Autre raison : celle de la fréquence et de la saisonnalité des périodes froides, et qui se retrouvent modifiées par le réchauffement global. Car si les épisodes de froid subsistent, en revanche, ceux-ci se répètent moins souvent, sont plus brutaux et peuvent se retrouver décalés (vers mars autrefois dans l’hémisphère nord, et décembre/janvier aujourd’hui). Enfin, les ondulations du jet-stream ont également un rôle, car pouvant en effet générer des blocages d’air froid en hiver et d’air chaud en été. Ce qui là encore n’était pas le cas avant que les activités humaines n’influent sur le climat.
Autant de raisons parmi d’autres donc expliquant ce qui ressemble à une « anomalie climatique » mais qui, regardées sous l’œil de la science, nous confortent au contraire dans notre certitude que le climat se réchauffe bel et bien, et qu’il serait temps de passer réellement de la parole aux actes afin de remettre les pendules (climatiques) à l’heure. Car même si les phénomènes météo extrêmes du moment ne découlent pas totalement de facteurs anthropiques, la menace, elle, est plus présente que jamais.
Le problème, c’est que pour agir, l’homme a non seulement besoin de certitudes, mais surtout de certitudes « qui se voient ». Or, lorsque El Niño, qui montre déjà des signes d’affaiblissement, sera parti (même si son influence persistera de longs mois encore), et que La Niña débarquera, l’on devrait alors assister (vers fin 2024) à une atténuation des épisodes extrêmes. Nous poussant du coup à minimiser une fois de plus le caractère urgent de la cause climatique. Et s’il y a une chose dont nous n’avons absolument pas besoin, c’est bien de cela.
Ces considérations météorologiques peuvent certes sembler anecdotiques dans un contexte global dominé par de multiples crises planétaires n’ayant rien à voir avec le climat. Sauf qu’en réalité, elles nous renvoient à nos propres responsabilités, envers l’humanité comme le vivant en général, et dont la disparition constituerait au final le plus grand drame que la Terre ait connu. Planète qui, après nous avoir fait le don précieux (et relativement unique) de la vie, pourrait tout aussi brutalement la reprendre ! Sans aucun état d’âme.

 

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