GUERRE EN UKRAINE / ÉCHEC DE LA MÉDIATION AFRICAINE

À qui profite le crime ?

Comme il fallait s’y attendre, la mission africaine de médiation entre la Russie et l’Ukraine, dirigée par le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, s’est soldée par une déconvenue totale, pour ne pas dire, un échec retentissant. Il faut d’emblée souligner que cette initiative intervient à un moment complètement inopportun lorsque Kiev a décidé de lancer sa contre-offensive en vue de libérer ses territoires occupés, ce qui laisse transparaître un soupçon de parti pris. Ensuite, le plan de paix en 10 points présenté à Volodymyr Zelensky le 16 juin 2023 à Kiev et à Vladimir Poutine à Saint-Petersbourg le lendemain – tout comme celui en 12 points du président chinois de février dernier – ne contient que des propositions d’ordre général – le respect de la souveraineté des États, la désescalade de deux côtés, la cessation des hostilités, l’ouverture des négociations, l’échange des prisonniers, entre autres.

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S’il est vrai que du côté de la Chine, la question de souveraineté est toujours traitée avec retenue et circonspection vu qu’elle est, elle-même, empêtrée dans l’épineux problème de Taïwan, devenu le centre névralgique de tensions géopolitiques entre Washington et Pékin, toujours est-il, cependant, que tout projet élaboré en vue d’une paix durable entre les deux belligérants doit inévitablement comprendre trois points fondamentaux et concrets, exigeant des concessions de part et d’autre. D’abord, le retrait des troupes russes de tous les territoires occupés, y compris la Crimée et qui représentent environ 20% de la superficie totale du pays ; ensuite, l’abandon par l’Ukraine de son ambition d’adhérer à toute organisation occidentale à vocation militaire ou autres, en particulier, l’OTAN pour adopter un statut de neutralité, ce dans le but de ne pas compromettre la sécurité frontalière et territoriale de son voisin et, finalement, le respect du droit à l’existence des Russes et de la population russophone vivant dans le pays. Bref, un retour à la situation d’avant 2014.

Il va sans dire que tout peuple ayant connu et vécu les pires horreurs et atrocités de la 2e guerre mondiale, ne demande rien d’autre qu’une existence paisible et stable dans le cadre d’une politique d’entente et de bon voisinage tant au niveau régional qu’international. C’est pourquoi, la grande majorité des Ukrainiens – tout comme les Russes d’ailleurs – qui ne peuvent malheureusement se faire entendre, rejettent toute idée de confrontation avec leur puissant voisin avec lequel ils partagent non seulement une frontière longue de plus de 1,500 km mais également une histoire, une langue, une littérature, une cuisine, des coutumes et traditions communes. Or, dans la conjoncture actuelle, celui qui tire les ficelles de la guerre en Ukraine ne serait autre que le locataire de la Maison-Blanche à Washington, plus de 8,000 km de Kiev, qui y voit là une opportunité en or de consolider l’influence de son pays sur le plan mondial et, en même temps, de redorer son blason en vue du renouvellement de son contrat présidentiel l’an prochain. D’ailleurs, avant même la présentation officielle du plan de paix chinois, la présidence américaine l’avait déjà condamné, estimant que « les propositions ne feraient qu’avantager la position militaire de la Russie ». Et en ce qui concerne la médiation africaine, alors que le président Poutine a reconnu, tout de même, « une initiative salutaire et une approche équilibrée » de la part des dirigeants du continent, V. Zelensky, pour sa part, a immédiatement opposé une fin de non-recevoir à leurs propositions.

Mais il n’y a pas que l’intérêt géopolitique et stratégique qui est en jeu en Europe de l’Est car le conflit ukrainien constitue, manifestement, un jackpot inestimable pour l’industrie militaire américaine du point de vue économique mais également social. En effet, depuis le début de la guerre, les carnets de commandes des entreprises d’armement américaines sont bien remplis et l’emploi pour des dizaines de milliers d’Américains est garanti aussi longtemps que durent les hostilités. L’industrie militaire tourne donc à plein régime et les armes et munitions sont livrées à l’Ukraine sur une base régulière. Ce qui fait qu’en 2022, les ventes d’armes américaines avaient augmenté de moitié, permettant ainsi au pays de consolider sa première place d’exportateur mondial devant la Russie et la France. D’ailleurs, selon le rapport annuel de l’Institut international de recherche de Stockholm sur la paix (SIPRI) publié en mars dernier, durant ces 30 dernières années, les États-Unis et la Russie dominent le classement des plus gros exportateurs d’armements et l’écart entre les deux pays ne cesse de se creuser. Si, entre 2013 et 2017, Washington représentait environ 30% des exportations mondiales d’armes, sa part de marché a augmenté de 10% en 2021 – année où ce « commerce de la mort » avait rapporté aux États-Unis plus de 70 milliards de dollars – pour atteindre les 50% l’année suivante.

Finalement, au tout début du conflit, précisément en mars 2022, V. Zelensky, dans le but manifeste de sauver son pays et protéger son peuple, ce pour quoi, après tout, tout dirigeant digne de ce nom, est investi du pouvoir démocratique suprême, avait laissé entendre que l’Ukraine opterait pour un statut de non-alignement, ce qui aurait certainement précipité la fin du conflit et évité toute la souffrance qu’endure le peuple ukrainien aujourd’hui. Or, contre toute attente, il devait revenir sur cette décision quelques jours après. Qu’est-ce qui a bien pu motiver ce changement abrupt de casaque ? Est-ce un coup de téléphone venu d’ailleurs ? Plus d’une année plus tard, le plan de paix chinois est rejeté sans autre forme de procès alors que la mission africaine de médiation est rentrée bredouille à la maison le 18 juin dernier. Entre-temps, des centaines de soldats, sans compter les civils, tombent chaque jour sur le champ de bataille. À qui profite le crime, d’autant que les Occidentaux lorgnent déjà les faramineux contrats d’après-guerre pour la reconstruction de l’Ukraine.

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