Du Caudan Arts Centre à La Cité des Arts : Maurice et la Réunion sous l’impulsion du rock malgache

Port-Louis et Saint-Denis accueillent ce week-end des formations d’Antananarivo. La coïncidence veut que différentes formes de rock de Madagascar rayonnent en cette même soirée dans les îles sœurs. Le mal-aimé underground de la Grande île se porte ainsi au-devant des prestigieuses scènes de réputés centres d’arts de l’océan Indien. De : Joël Achille.

Madagascar ne se rend pas compte de la réputation dont jouit son rock dans l’océan Indien. Marginalisée en cette Grande île peuplée de croyants, la « petite communauté » de rockeurs – toutes proportions gardées dans un pays de 28 millions d’habitants – produit une musique intense, qui résonnera puissamment ce 7 octobre à Maurice et à La Réunion.

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En effet, quatre groupes de ses ambassadeurs ont gagné l’aéroport de Plaisance durant la semaine pour faire frémir le Caudan Arts Centre, à Port-Louis. Alors qu’une autre formation a rejoint l’aéroport de Roland Garros pour embraser la scène de la Cité des Arts, à Saint-Denis.

Ce samedi, à compter de 20h, la coïncidence veut que le Rockfest à Maurice et le TIC Show à La Réunion mettent en lumière la multitude de formes de rock qui grandissent à Antananarivo.

Cette musique de l’underground de la capitale malgache s’élève ainsi sur les glorieuses scènes du Caudan Arts Centre et de la Cité des Arts. Des centres d’arts réputés dans l’océan Indien pour leur prestige.

Musique du coeur.

L’inspiration du rock malgache se nourrit de cette rage d’un peuple soumis à ses propres démons et à ceux des décevants gouvernements qui se succèdent. Les promesses non respectées au fil des décennies se reflètent dans les avenues de la capitale.

Aucune solution ne semble sauver des rues des enfants, condamnés à mendier pou enn bouse manze. Et des femmes forcées de se vendre pou gayn enn viv.

La corruption généralisée noie l’ensemble du potentiel de cette terre verdoyante d’espoirs et de richesses. Qui n’attend qu’un sursaut du peuple et de ses dirigeants pour rayonner.

Ni Maurice ni La Réunion ne connaissent l’amplitude de la misère rongeant Antananarivo et d’autres contrées de Madagascar. Voir un groupe de rock malgache sur scène, c’est se prendre la violence de puissantes émotions. Lesquelles choquent les publics de divers territoires, qui assimilent la colère intériorisée, et ce, sans comprendre la langue malagasy à travers laquelle elle est généralement distillée.

« Nous sommes obligés d’être rock dans ce pays », concèdent les membres d’Erica DuRock, joints par téléphone depuis Antananarivo. « À Mada, c’est dur. Il faut être dur aussi. Et il n’y a rien de plus robuste que le rock pour bien s’exprimer, s’éclater et véhiculer des messages. »

Hier soir, Erica DuRock a été annoncé au centre d’arts de Port-Louis aux côtés d’Alkiniah, une autre formation de la capitale malgache.

Si le quatuor parle beaucoup « de l’amour », l’autre groupe avait commencé par évoquer « des trucs post-apocalyptiques ». Avant d’adopter « plus de poésie » pour chanter davantage « la vie courante et l’amour, mais en mode enragé », stipule Tsilavina Rasolo, également guitariste de Seth on Fire.

Composée de cinq membres, cette formation regroupée en 2012 se présentera ce soir au Caudan Arts Centre. Leurs textes « futuristes », mais « majoritairement sur le développement personnel », visent à encourager et aider l’être à avancer. Tout en dénonçant différents maux, notamment à travers le trash métal.

De semblables thématiques promettent de bouleverser la Cité des Arts dans la soirée.

Le trio LohArano, réuni en 2018, y exposera la fusion du rock et du salegy, parmi d’autres rythmes traditionnels de Madagascar, qui séduisent par-delà leurs frontières.

« À La Réunion, nous avions été reçus par l’un des publics les plus chauds devant lequel nous avons pu jouer », témoigne l’énergique batteur Natiana Randrianasoloson, aux côtés de l’envoûtante chanteuse et guitariste Mahalia Ravoajanahary.

Hors du territoire.

LohArano avait en effet fait frissonner la foule rassemblée en 2021 lors du Marché de la musique de l’océan Indien (IOMMA) et le festival Sakifo, tenu à Saint-Pierre, au sud de La Réunion.

À Madagascar, le groupe est notamment soutenu La Teinturerie, un espace d’expression artistique d’Antananarivo, comptant comme manager Eric Rasoamiaramanana.

En s’exportant, LohArano s’inscrit comme l’une des rares formations à pouvoir se financer grâce à leur art.

« Vivre de la musique à Madagascar, ce n’est pas facile », confie Eric Rasoamiaramanana. « Travailler avec le label français Libertalia nous permet de nous ouvrir à d’autres marchés et destinations, tant sur Madagascar que sur la zone océan Indien. »

Cette chance de vivre de sa passion n’atteint cependant pas Dark’Inside, regrette la chanteuse Marielle Ralaimihoatra, qui exerce « en parallèle » comme traductrice.

Le déplacement de ce groupe aux influences Death Metal à Maurice, en vue du concert de ce soir, constitue un baptême. « Honnêtement, c’est la première fois que nous quitterons Madagascar pour jouer à l’extérieur », ajoute-t-elle.

Dès lors, la portée du rock malgache en dehors de leur territoire demeure un mystère pour le sextet d’Antananarivo. Comme pour d’autres formations en déplacement à Maurice.

Le Rockfest offre à cet effet l’opportunité à des musiciens et chanteurs malgaches de découvrir la sensation de se produire en dehors de leurs terres.

Chose à laquelle semble accoutumé LohArano, qui a déjà annoncé sur ses réseaux sociaux de nouveaux déplacements en France, après une tournée européenne, majoritairement dans l’Hexagone. « Nous espérons pouvoir bientôt venir à Maurice », soutient Mahalia Ravoajanahary.

Avec le Rockfest et le TIC Show, le rock malgache s’affirme dans le bassin indocéanique. Tissant par la même occasion une ligne de coopération à saluer.


À La Cité des Arts

The Sorry Dead, Kanasel, Dust et Taba! performeront ce samedi soir au centre érigé rue Léopold Rambaud, à Saint-Denis. L’évènement, organisé par Studiotic, présente comme tête d’affiche LohArano. C’est rue de l’école, Sainte-Clotilde, que ce lieu aux teintes rocks offre des salles de répétitions et d’enregistrement, de même que des espaces pour la tenue de concerts. À savoir que des membres de Studiotic avaient récemment fait le déplacement à Maurice dans le cadre de l’Underground Rock Festival, qui avait accueilli des formations de La Réunion pour des performances déjantées.


Thibault de Robillard, organisateur du Rockfest : « Partager mon coup de cœur pour les groupes malgaches »

« Madagascar est un grand pays, juste à côté de nous, où nous ne soupçonnions pas l’existence d’une communauté rock. Je voulais partager mon coup de cœur pour les groupes malgaches avec le public mauricien. De plus, je souhaitais donner l’occasion aux musiciens malgaches de jouer dans de meilleures conditions. Car les groupes de rock métal amateurs n’ont pas l’occasion de jouer avec de superbes équipements. Et enfin, je me fais plaisir. J’ai envie de revoir ces groupes-là jouer. » 
À noter que Thibault de Robillard, également musicien, sera sur scène avec Feedback pour reprendre des tubes des légendaires Pink Floyd.


Les formations

Erica DuRock

Erica Rakotonoely (vocaliste)
Tommy Rakotonjanahary (guitariste)
Tsiory Aaron (batteur)
Tsanta (bassiste)

Seth on Fire

Tsivalina Rasolo (guitariste)
Sahanina Rakotonirainy (vocaliste)
Herizo Razafimahefa (guitariste)
Toky Razafimiarana (bassiste)
Tahiry Razafimahefa (batteur)

Dark’Inside

Marielle Ralaimihoatra (vocaliste)
Dina Randrianarisoa (bassiste)
Andrea Andrianary (guitariste)
Henintsoa Ramandinikinihoavy (guitariste)
Miahy Andriamparany (pianiste)
Herinahary Rambeloson (batteur)

Alkiniah

Jocily (guitariste)
Karen (vocaliste)
Ntsao (bassiste)
Tahiry (batteur)
Johary (guitariste)

LohArano

Mahalia Ravoajanahary (vocaliste et guitariste)
Michael Raveloson (vocaliste et bassiste)
Natiana Randrianasoloson (vocaliste et batteur)

JOEL ACHILLE 

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