Ainsi va la vie

En cette matinée de dimanche, le soleil est au rendez-vous et brille de mille feux. Cela me fait penser à l’autre-là, de passage sur ma route, qui me disait tout sourire et plein de compassion : « Le soleil se lève pour tous, mais chacun a sa vie. » Rien de plus vrai lorsqu’on prend le temps de penser à sa propre vie et à celle des autres. Pas une seconde nous ne pouvons les comparer et, même, évaluer dans leur intégralité, le tourment et la désolation que vit, subit même, celui assis à nos côtés. Le soleil réchauffe autant ceux qui peinent et souffrent que ceux qui se réjouissent avec allégresse. Il nous éclaire tous avec la même intensité et la même générosité de ses rayons invisibles qui se déversent jusqu’à même nos pieds. Ce n’est pas pour autant qu’il met en pleine lumière les secrets, les sentiments et les travers des uns et des autres. Cette lumière nous inonde, nous transperce même, sans jamais dévoiler notre intimité à ceux qui nous entourent. Quelle sagesse de préserver autant notre pudeur !

- Publicité -

Je reviens à ce dimanche matin où je suis assise face à la mer sur un petit perron de pierre usée. J’ai mis, sur YouTube, la belle musique du film Frida et elle résonne avec force, douceur et entrain. Pour la petite histoire, ce film raconte la vie bouillonnante d’une peintre mexicaine, Frida Kahlo, dans les années 1930-40, et, aidée par cette musique, le souvenir du film surgit devant cette vue magnifique en face de moi. La vie de cette femme évoque autant les tumultes d’une vie que les explosions de couleurs qui colorent celle-ci. Elle me rappelle aussi la recherche du bonheur qui nous anime tous.

Malgré moi, je fais un amalgame particulier entre la beauté de la scène de plage devant moi et la musique pleine de caractère du film. Toutes les deux n’ont que très peu de choses en commun. Comme ressemblance, un peu far fetched,je ne vois que les taches de couleurs vivaces du décor et celles des tableaux de la peintre. Ces derniers surgissent dans ma tête au rythme de l’album audio qui défile. Et peut-être, peut-être…, un autre lien peut être établi, celui de la gravité de sa vie, à elle, et celle de cet instant présent précis que je vis.

La musique est belle et prenante, et je peux saisir l’intensité de la vie de cette femme en entendant les paroles en espagnol. J’écoute sans vraiment comprendre, tout en appréciant le tempo et l’émotion qui s’y dégagent. Je ne peux m’empêcher de voir se dessiner sous mes yeux une peinture qui n’a absolument aucun rapport avec celles très particulières que peignait Frida. Les siennes sont plutôt empreintes de violence, de douleur, de froideur, de brisure, de tragique… Très peu inspirant pour moi, car trop étrange et morbide !

Un air guilleret de l’album joue et ma fille, Natasha, se lance dans quelques pas de Flamenco. Je m’amuse à observer les bronzés, les touristes, qui viennent petit à petit s’installer sur le sable chaud, à quelques mètres de moi. Un tableau prend effectivement vie pendant que des dames déploient des paréos et une serviette orange sur des chaises de plage et qu’un monsieur s’affaire à planter le bâton d’un parasol rouge dans le sable chaud. Il valse avec aisance et sérieux de droite à gauche, dans un déhanchement sûr, pour l’enfoncer le plus que possible afin que le parasol ne tombe pas au moindre coup de vent. Gauche, droite, gauche, droite, j’ai droit à une petite danse sympathique d’un monsieur inconnu, venu là pour se prélasser loin du froid et de toutes les tensions en Europe.

Une serviette verte est soigneusement pliée sur une autre chaise attendant que sa propriétaire finisse sa baignade en plein soleil. Le chapeau suffit à peine à protéger des rayons de soleil, mais par cette chaleur étouffante, rien de mieux que de plonger dans la mer. À cette heure où la luminosité est sans filtre, les couleurs sont vives et éclatantes.

C’est alors qu’un autre mec, dont la peau est couleur camaron, s’apprête à entrer dans l’eau. Il porte, pour seul habit, un petit slip de bain bleu marine, à la Franck Dubosc dans le film Camping.

Un bateau rouge sang, posé sur la mer, se détache de cette séduisante eau turquoise. Toutes ces couleurs me ravissent et me font prendre conscience de la valeur de toutes les splendeurs qui m’entourent. Les merveilles de la nature ne finissent pas de m’éblouir. Elles remplissent mon cœur et mon âme, permettant à mon corps et à mon esprit de se reposer un petit peu. Tout est à prendre. De petits cadeaux qui sont de petits miracles de la vie.

Un nouveau morceau retentit : il s’agit de Paloma Negra. J’aurais certainement préféré que la chanson s’appelle Paloma Blanca (Colombe blanche). Mais n’altérons rien à la réalité du moment, car je remarque, à cet instant, sur un autre bateau plus à gauche, une colombe noire dessinée sur la coque. Ce n’est probablement pas une coïncidence.

Devant cet océan émeraude, calme et bougrement reposant, me vient à l’esprit la série noire des bateaux échoués à Pointe-aux-Sables, laissant les autorités craindre encore une fois le potentiel d’une marée noire. L’histoire récente du Wakashio traîne encore évidemment dans la tête des habitants de notre île.

Dans ce moment un peu sombre, je pense aussi à l’Ukraine et la Russie. On n’est à l’abri de rien, en ce moment particulièrement. Alors que nous commençons peut-être à sortir du marasme du Covid-19, plane sur nous l’instabilité de pays en guerre. Nous vivons sous menace perpétuelle finalement.

Mais ne laissons pas tout cela assombrir ni notre regard ni notre cœur. Et sachez que la chanson qui joue au moment où je reprends courage s’appelle Benediction and Dream ! Je prends ces deux mots et retourne à ce tableau plein de couleurs, plein d’espoir et plein de vie qui s’offre à moi.

Ces mots sont un cadeau tombé du ciel.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour