Négligence médicale

— Tu as entendu cette affaire, toi ?
— Qu’est-ce qui est encore arrivé, il y a un autre ministre qui a été révoqué ?
— Pour une fois c’est pas politique, mais médical.
— Le député Eshan Juman a encore posté une vidéo choc sur les coulisses d’un hôpital ?
— Non, c’est une clinique privée qui était poursuivie pour négligence médicale qui a fait un arrangement pour mettre un terme au procès.
— Une clinique privée accusée de responsabilité dans une négligence médicale qui fait un arrangement ! Tu es sûre de ce que tu dis ? Parce que les cliniques, c’est comme les docteurs et le Premier ministre : jamais ils ne fautent !
— C’est quelle clinique, une de ces nouvelles qui viennent d’ouvrir ?
— Pas du tout, toi ! C’est l’une des cliniques les plus anciennes du pays qui, depuis, fonctionne sous une autre dénomination.
— Ne me dis pas ! Une des plus anciennes et des plus grosses cliniques du pays ?! Qu’est-ce qui s’est passé comme ça ?
— C’est une affaire qui remonte à presque vingt ans. En mars 2004, M. Guimbeau, le père d’Eric qui était député, est admis dans cette clinique pour faire une opération le lendemain. Mais dans la soirée, son état se détériore et il meurt.
— Ayo, toi. On n’a pas pu le soigner à temps ?
— La famille n’est pas satisfaite des explications de la clinique qui dit que son équipe a fait tout ce qu’il fallait.
— Ils disent toujours ça.
— Alors au Parlement, le député Guimbeau demande au ministre de la Santé de faire ouvrir une enquête sur le cas, et le ministre accepte. À partir de réponses données au Parlement, on découvre que le soir de la mort de M. Guimbeau, il n’y avait pas de médecin résident à la clinique et que l’équipe médicale était composée de stagiaires.
— Ne me dis pas ! Qu’est-ce que la clinique a fait alors pour se justifier ?
— Rien du tout, puisque le ministre de la Santé a refusé de donner les conclusions de l’enquête à la famille pour soi-disant respecter la politique en cours.
— Tu parles ! C’est surtout pour protéger la clinique. C’est toujours comme ça dans le milieu médical, ils se protègent tous entre eux, c’est une mafia !
— Ce n’est qu’un an après que le ministre de la Santé finit par transmettre les conclusions de l’enquête aux hommes de loi de la famille Guimbeau.
— Et quelle était la conclusion de l’enquête du ministère ?
— Qu’au moment de la mort de M Guimbeau, le personnel médical en service dans la clinique en question n’était pas « adequately qualified. »
— Je suppose que la clinique a bourré en désordre et présenté ses excuses à la famille.
— Tu ne connais pas leur arrogance ! La direction a dit qu’elle maintenait que son équipe avait fait tout ce qu’il fallait. Alors la famille Guimbeau a décidé de poursuivre la clinique pour négligence médicale. L’affaire a suivi son cours et ce n’est qu’en janvier de cette année qu’on a eu une audience.
— Pour une affaire qui remonte à 2004 !
— Tu sais très bien qu’à Maurice une affaire en cour ça peut durer des années, non ? Pendant l’audience, les avocats de l’une des plus anciennes cliniques du pays ont présenté leur fiche des événements de la soirée du 19 au 20 mars 2004. Les avocats des Guimbeau ont souligné que, comme l’enquête du ministère de la Santé l’avait démontré, une partie de cette fiche avait été remplie après le décès de M. Guimbeau, et par plus d’une personne !
— Hey toi là, on pourrait penser que c’est une fiche trafiquée, un faux ! Qu’est-ce que les avocats de la clinique ont répondu à ça ?
— Avant qu’ils n’aient le temps de répondre, les avocats des Guimbeau ont déposé l’original de la fiche du 19 mars 2004, sans les ajouts que contient la version de la clinique.
— C’est pas vrai ?! Qu’est-ce que les avocats de l’accusée ont fait alors ?
— C’est là qu’ils ont bourré en désordre, comme tu dis, pour demander un renvoi de l’audience au début de février.
— Et qu’est-ce qui s’est passé pendant l’audience de février ?
— Cette audience n’a pas eu lieu, parce que les avocats de la clinique ont proposé à ceux des Guimbeau un arrangement à l’amiable pour retirer d’affaire !
— Autrement dit, la clinique a été finalement obligée de reconnaître en filigrane, par cet arrangement à l’amiable, qu’elle avait des responsabilités dans cette affaire !
— Exactement ! C’était une manière de reconnaître, sans le dire officiellement, que les Guimbeau n’avaient pas tort depuis le début.
— Finalement, on dirait que parfois le pot de terre parvient à avoir raison du pot de fer, et que malgré tout, il y a une justice.
— Enfin, il ne faut pas oublier que si Éric Guimbeau n’avait pas été député, jamais le ministre de la Santé n’aurait accepté de faire ouvrir une enquête.
— Ça c’est vrai. Mais il faut reconnaître que, malgré tout, la famille n’a pas arrêté de demander justice, et, même si ça a pris le temps que ça a pris, a fini par l’obtenir. J’espère que cette affaire va obliger cette ancienne clinique — et les autres cliniques — à changer de comportement vis-à-vis des malades et de leurs proches. À les traiter comme des êtres humains en souffrance et pas seulement de potentielles sources de profits financiers !
— Il faut l’espérer…
J.-C.A.

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