Subiraj Sok Appadu : « Si ti bizin pran sanksion, ti bizin pran sanksion kont bann administrater NEOC »

Notre invité de ce dimanche est Subiraj Sok Appadu, qui a fait carrière aux services météorologiques de Vacoas, où il a occupé le poste de directeur de 2000 à 2007. Dans cette interview réalisée jeudi matin, il partage son analyse sur la manière dont Maurice a géré le passage du cyclone Belal lundi dernier. Il ne mâche pas ses mots et pointe du doit l’ingérence de la politique au sein des institutions.

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Subhiraj Sok Appadu, pouvez-vous, en quelques mots, rappeler à nos jeunes lecteurs qui vous êtes ?
Je suis un météorologue, gradué en Sciences, puis en Météorologie, et j’ai travaillé pour les services météo pendant plus de 35 ans. J’ai commencé au bas de l’échelle et ai gravi tous les échelons avant de devenir le directeur de la Météo en 2000. J’ai été le 4e directeur mauricien des services météorologiques. J’ai commencé à la Météo en 1970 et j’ai fini à la Météo. J’ai pris ma retraite en 2007 à l’âge de 60 ans. Comme mes prédécesseurs, M. Davy, M. Padya, M. Valaydon, M. Vaghjee, je n’ai pas été poussé à la sortie. Et je n’ai jamais eu de clash avec les décideurs politiques.
Venez-en directement à la situation actuelle. Quel regard portez-vous sur la pagaille et le drame de lundi dernier dans la capitale et ailleurs ?
Nous avons tous été choqués par ce qui s’est passé lundi. Trois choses doivent retenir l’attention : le manque de planification, la communication et la coordination. Voyez-vous, à la météo, sur les images satellites, on voit les systèmes qui se forment. Une fois les systèmes identifiés, il faut planifier l’évolution, voir les différents scénarios et travailler sur le scénario le plus pire en parallèle avec les observations qui sont faites, chaque six heures, chaque trois heures, chaque heure. Si les observations sont similaires au scénario, cela veut die que le scénario établi est bon. Autrement, s’il y a un écart entre le scénario établi et les observations, il faut ajuster. Cette planification commence at least trois-quatre jours avant l’événement. Venons-en à la coordination. La météo, ce n’est pas le directeur des services. Il y a des centaines de personnes qui travaillent à la météo. Le travail du technicien qui fait des observations est tout aussi important. Il faut check et counter check toutes les observations. C’est là où il faut une coordination au sein des services météo. Davantage lorsqu’il y a des événements climatiques d’envergure. Il y a encore plus de rigueur sur le travail. Il y a ensuite la coordination avec le public, car nous travaillons avec plusieurs institutions. Dans des cas climatiques extrêmes, il y a deux institutions majeures : le bureau du CP et celui du commandant de la SMF. Une bonne coordination est importante. C’est là où la communication entre en jeu. Pas seulement avec les responsables, mais avec le public. Le public doit comprendre ce qui se passe, ce qu’on est en train de prévoir. Il faut une communication claire et simple. Et ce travail est effectué à travers les journalistes.
Vous voulez dire que la météo est totalement indépendante ?
En tout cas, quand moi je travaillais à la météo, nous travaillions avec le commissaire de police et le bureau du Premier ministre était mis au courant de la situation à travers le commissaire. Mais quand la situation est beaucoup plus grave, il n’était pas question de by-pass le commissaire de police, mais nous envoyions un message directement au bureau du Premier ministre. Simplement pour le mettre au courant.
Le Premier ministre est monté au créneau pour blâmer, démission à l’appui, le chef de service météorologique, alors que c’est le NEOC qui prend la décision finale… Votre sentiment ?
It’s not fair. Si ti bizin pran sanksion, ti bizin pran sanksion contre bann administrater NEOC. Sa bannla ki ti bizin premie koupab. Ce sont eux qui prennent les décisions sur le classement à émettre pour le cyclone en fonction des informations que leur fournit la météo. Pour moi, le NEOC est responsable de l’événement malsain survenu lundi, car le NEOC aurait dû voir si le warning pe bien fer.
La réplique est que c’est la météo qui donne les informations et que c’est basé sur les informations que…
Si la météo donne une information, n’y a-t-il personne au sein du NEOC qui réfléchit ? Seki mete dir ou pran li koumsa mem ? Cela signifie que ceux qui siègent sur le NEOC n’ont aucune idée de ce qui se passe, aucune imagination quant aux catastrophes naturelles… Que font-ils sur ce board ? Depuis vendredi il y a eu des prévisions. Ils sont au courant des différents scénarios. Lorsque cela change, ils doivent poser des questions et savoir sur quoi on se base pour donner telle ou telle information. Pour moi, ce qui s’est passé lundi, c’est comme s’il y a eu une main invisible qui s’est posée sur la météo et que le travail n’a pas été fait comme il faut. Il faut que toutes les preuves soient étalées et non pas bout par bout. Vendredi, il y avait un scénario avec une probabilité de classe III lundi matin. Ce sont toutes ces données qui doivent être prises en considération. Zot bizin vinn ek prev pou dir kisannla inn fote.
Lors d’une interview passée, vous évoquiez vos doutes et craintes sur le Météorological Services Bill et pensiez que certaines mesures peuvent impacter le quotidien de chaque Mauricien. Le projet de loi autorise des ministres ou comités à influencer la décision des services météorologiques. Les événements actuels semblent vous donner raison…
Effectivement, j’avais élevé la voix face à cette loi. Car avec sa lalwa-la, minis pran decision ki directer meteo oblize abide. Sa zafer powers of ministers la, nou met sa dan boukou lalwa, et c’est un couteau à double tranchant. Et aussi le fait que la météo tombe désormais sous un différent ministère, alors qu’avant les services météorologiques tombaient sous le PMO. Tout cela change la donne.
À cet effet, une polémique publique s’est engagée entre le ministre Husnoo qui accuse le chef de la météo d’incompétence et ce dernier qui dit ne pas être disposé d’être le bouc émissaire pour calmer le public…
C’est moi qui ai fait l’interview de M. Dhurmea lorsqu’il a été recruté à la station météo. Parmi les candidats qu’il y avait, c’était un des best. Ar mwa pena kata-kata. Mo’nn trouve bizin swazir sa piti-la, mo’nn swazir li. Il a un diplôme en Sciences, un BSC en Physics. Nous l’avions envoyé faire des études pour qu’il devienne un Class I Meteorologist, c’est-à-dire, obtenir une licence pour pouvoir faire des prévisions. À son retour, il a fait une immersion de six mois à la météo de Vacoas pour se familiariser avec le système et il a été nommé météorologue. Au fil des années, il a gravi, comme nous tous, les échelons. On ne peut pas dire qu’il n’est pas compétent. Tous les ans il y a un formulaire à remplir au PSC comme appraisal. A-t-il déjà fait l’objet de reproches ? Autrement, il n’aurait même pas été nommé Divisional Meteorologist, Assistant Director, Deputy Director, et non plus Director.
Donc…
Je le redis, depuis vendredi, le directeur de la météo a fait des prévisions et les risques ont été établis. Comment tout a changé ? Quand on fait des prévisions, on ne regarde pas ce qui se passe à l’heure actuelle, on fait des scénarios. On voit ce qui va se passer dans six heures. C’est pourquoi je demande : quelle est cette main divine qui s’est posée sur la météo et a changé les choses ? Connaissez-vous l’histoire de l’aveugle et l’éléphant : lorsqu’un aveugle tient le pied, il pense que c’est un arbre, lorsqu’il tient les oreilles, il pense que c’est une énorme feuille, lorsqu’il tient la trompe, il pense que c’est…. En bref, la morale de l’histoire, se kan ou pa kone, ou pa fer zizman lor dimounn. À part le directeur de la météo, qui est plus compétent pour dire qu’il a fait son travail correctement ou pas ? Un ministre peut venir porter un jugement ? Sur quoi s’est-il basé pour dire cela ?
Justement, il y a désormais des vidéos qui circulent pour acculer l’ex-directeur et démontrer ses failles…
La météo donne des prévisions certes. Mais à un moment, face au danger, il a été dit aux employés, notamment les fonctionnaires, qu’il fallait rentrer. Et ce, alors que les routes même commençaient à être inondées. Qui prendra la responsabilité de cette décision ? Sa ousi pou dire direkter météo inn dir larg travayer ? Tous doivent assumer leurs responsabilités. Et les responsabilités doivent être partagées.
Cette affaire est en train de prendre une tournure politique, est-ce bien pour la météo et l’humeur du pays ?
To err is human. Et si l’humain sait quelle erreur il a faite, il peut tirer des leçons et corriger pour que cela ne se reproduise pas. Malheureusement, nous n’avons pas appris de ce qui s’est passé en 2013. Tous ceux qui sont venus après n’ont fait que bla-bla-bla. Et le produit final est zéro. Il nous faut nous asseoir, tous, peu importent les bords politiques, les bords sociaux, ou économiques, et même certains passionnés de la météo, et mettre nos idées ensemble, faire une synthèse pour voir les améliorations à apporter, et corriger là où il y a des failles pour donner un meilleur produit au public. C’est une question de politique nationale.
Donc, ce n’est pas une affaire de la météo…
Depuis 2013, plus de 10 ans, combien d’argent le gouvernement a-t-il injecté dans les infrastructures, ne serait-ce qu’à Port-Louis. Où est le end result ? Nous avons vu, à chaque fois il y a des inondations et c’est de plus en plus pire… Si la météo a fauté, certes, ou d’autres, un fait est que nous aurions eu, coûte que coûte, des inondations. À la différence que les gens ne seraient pas partis travailler. Mais le dévalement des eaux, ki ti pou arive ? Ou’nn trouv sa bann salte dan Port-Louis la ? Ou’nn trouv sa bann drin bouse-la ?
Malgré l’utilisation d’un radar dernier cri, les prévisions météorologiques ne semblent pas toujours refléter la réalité…
Me basant sur quelques événements passés, je ne vois pas que ce radar est en train de donner satisfaction. À moins que nous ne sachions pas l’utiliser à bon escient. Mais je ne suis pas là-bas, je ne peux pas en dire plus. Peut-être que les services météo disposent de plus de données. Mais le public pa pe gagn satisfaksion. Pour moi, ce radar de Trou-aux-Cerfs demande un in-depth review.

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