Tout un symbole…

Comme chaque année, la proclamation des résultats de fin de cycle du secondaire et la désignation des “lauréats” ont été accompagnées de son lot de commentaires et d’observations. Les souhaits d’une révision d’un système qui favorise le financement de futurs cadres évoluant sous d’autres cieux ont été renouvelés. C’est chaque année la même rengaine. Sortir du système semble un obstacle infranchissable.
Ce qui retient néanmoins l’attention, au-delà des familles de “lauréats” et des réussites convenues des collèges traditionnels, c’est ce que peuvent réaliser ceux qui n’ont pas beaucoup de moyens, ceux qui viennent des collèges moins bien cotés et qui arrivent quand même à se distinguer. C’est leur histoire qui intéresse et qui interpelle en même temps.
On a ainsi adoré la déclaration de la mère de cette jeune fille au prénom très breton de Nolwenn. Sophia Lagaillarde, mère de la première lauréate du collège Lorette de Mahébourg, elle-même une ancienne élève de cet établissement, a dit son étonnement que sa fille ait réussi aussi brillamment dans ses études.
Sa “perplexité” vient du fait que “li ti kontan amize me linn kone zer etid e lamizma”. Tout est dit et très bien résumé. Pas besoin d’être obsédé par les résultats pour réussir. Ils sont quelques uns, d’ailleurs, à avoir décroché la bourse et avoir affirmé avoir bien géré leur vie entre études, sport et autres activités parallèles.
La réussite éclatante de Siddish Jogiah est, elle, tout un symbole. Il a été couronné dans la même filière que Nolwenn Lagaillarde, le HSC Pro, celle qui permet une interface féconde entre études et monde du travail. Une combinaison mal aimée de ces collèges où se destiner à une carrière d’avocat, de médecin, de comptable ou d’ingénieur reste l’objectif ultime depuis des lustres.
C’est le premier lauréat du Keats College de Chemin Grenier. Un de ces établissements privés et ruraux trop souvent, hélas, victimes de préjugés et de mépris. Il est la consécration du courage, de la persévérance et du mérite et, en même temps, celle de l’iniquité et de la faillite du système d’éducation et de ses errements.
L’histoire de Siddish constitue un véritable pied de nez à la politique éducative élaborée dans un bureau du ministère éloigné de la réalité du terrain et par d’obscurs conseillers aussi pétris de leur certitude qu’ignorants des attentes d’une jeunesse en constante évolution.
Siddish, le réservé et le timide, fréquentait, depuis le début de sa scolarité au secondaire, un “bon” collège, comme on le désigne souvent, à tort ou à raison, le Floréal SSS, ces établissements que les parents s’arrachent parce que, de leur point de vue, ils ouvrent la porte à tous les possibles.
Il a malheureusement été stoppé dans son parcours par l’obstacle des 4 credits seulement, pourrait-on dire, obtenus aux examens du School Certificate. Il lui manquait ce “credit” supplémentaire qui lui aurait ouvert la porte du Higher School Certificate dans le même collège.
S’il était resté au Floréal SSS et qu’il avait redoublé, il aurait certainement réussi à sa deuxième tentative. Il a choisi de prendre le pari fou d’aller ailleurs, dans un établissement proche de sa résidence de Chemin Grenier, le Keats College. Et au bout de l’effort, la divine surprise et la suprême récompense !
Mais gageons que cette confirmation éloquente de l’inadéquation du système ne fera pas bouger d’un iota la ministre de l’Éducation, elle-même jadis une enseignante respectée, mais qui a été complètement happée par le système MSM. Rigide et imperméable aux propositions, d’où qu’elles viennent, de l’opposition comme de ceux qui sont en première ligne, les pédagogues, les étudiants eux-mêmes ainsi que leurs parents.
Il n’y a qu’à voir avec quelle désinvolture le kreol a été traité. Les élèves qui le désirent ont été encouragés à prendre cette matière. Ce qu’ils ont été nombreux à faire. Ils ont bataillé et ont obtenu d’excellents résultats en SC avec un taux de réussite de 96% en 2023.
Ils ne pourront, toutefois, pas concourir dans cette matière en HSC, malgré les appels lancés de part et d’autre pour qu’elle soit aussi considérée. L’explication officielle est que cela demande encore un peu de préparation. En attendant, de nombreux enfants sont discriminés…
On sait la somme de préjugés qui caractérisent la langue parlée de tous les Mauriciens. Au Parlement, on attend toujours. Encore une fois, une excuse foireuse : c’est trop compliqué mais, sur les caisses de savon, pour se faire bien comprendre, aucun problème. On entend aussi souvent que cela ne servira à rien à ceux qui poursuivront leurs études à l’étranger.
Qui a dit que l’enfant qui prend comme option le Kreol ne saura maîtriser le français, l’anglais et d’autres langues ? C’est le contraire qui est vrai : ceux qui sont bons en langues le sont généralement partout, et ceux qui sont contre le Kreol sont précisément ceux qui s’expriment de manière bien approximative en anglais et en français.
Ceux qui doutent encore de cette réalité n’ont qu’à assister à une séance de l’Assemblée Nationale pour se laisser convaincre qu’ils sont nombreux à massacrer les deux médiums autorisés par le “temple de la démocratie”, là où on entend de bien belles perles.
On tourne en rond depuis trop longtemps dans l’éducation. Lorsqu’on a fini de célébrer les lauréats, subsiste tout le reste, la somme d’échecs et de “déchets” que produit le système. Qui peut être ainsi résumé : tous et nombreux sur la ligne de départ en primaire, et peu et clairsemé à l’arrivée en HSC.
Il est temps pour que les autorités acceptent une large consultation en vue de réformer le système dans le consensus, personne n’ayant le monopole du bien faire. Nos enfants le méritent. Ils nous obligent.

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