Harold Sadien, aujourd’hui âgé de 64 ans, footballeur de la prestigieuse équipe de la capitale, Fire Brigade, dans les années 80, se souvient des moments agréables alors qu’il évoluait au sein du club, aux côtés de Jacques Théo, de Serge Bardottier, de Jean-Yves L’Enflé, meilleur buteur du championnat d’alors. Ses coéquipiers l’avaient qualifié de fonceur.
Pour garder la forme et empêcher que les jeunes de sa localité, Cap-Malheureux, ne sombrent dans le fléau de la drogue, Harold Sadien les encourage ainsi que ceux des régions avoisinantes, Pereybère, Pavillon, Mon-Choisy, à pratiquer le football. « J’essaie de faire de mon mieux pour décourager les jeunes à se tourner vers le paradis artificiel qu’est la drogue », dit-il.
Finie cette époque, concède-t-il, où des jeunes de 17 à 20 ans, attendaient devant les stades pour pouvoir s’entraîner. Aucun jeune ne peut avancer que le football est en crise à Maurice à cause du coronavirus, selon lui. « La pandémie de Covid-19 qui aurait vidé les stades a bon dos. La réalité, c’est que le football est en crise depuis des années. Le Covid-19 a été révélateur : les jeunes ne se passionnent plus autant que leurs aînés pour le ballon rond. Cela fait déjà une bonne vingtaine d’années que la passion, la ferveur pour le football sont moins importantes chez les jeunes. Lontan mem pie ni bann zen ti pe al lantrenman. Il y a 20 ans, nous n’avions pas autant de choix, le football était une option naturelle. Il était partout. Aujourd’hui, nous avons en face de nous une génération consommatrice. L’attrait du football, tel qu’il était auparavant, a beaucoup diminué. Zordi zour pa bokou zen ki interese, zot prefer tourn ver bann kitsoz ki pa bizin fer gran zefor pou gagn plezir », regrette-t-il.
L’autre question épineuse, dira Harold Sadien, consiste à trouver des entraîneurs capables de prendre en charge des jeunes de 13 à 18 ans. Car, selon ce dernier, c’est « une catégorie compliquée et parfois difficile à gérer ».
Jean, un jeune sportif du village de Cap-Malheureux regrette que beaucoup de jeunes dans cette partie du Nord soient devenus accros à la drogue. « Lontan pa ti ena sa kantike la drog isi. Zordi zour ban zen 14 -15 pe komans pran la drog. Il est grand temps que les habitants se mobilisent pour dénoncer les marchands de drogue. Pa kapav kontinie koum sa », déplore-t-il.
Harold Sadien souhaite que les jeunes reprennent le chemin du terrain de football comme autrefois. Il y avait beaucoup d’équipes de football, rappelle-t-il. Les jeunes s’adonnaient au sport avant et il y avait une belle ambiance sur le terrain de football le dimanche. « Il y avait des adversaires mais pas de grande rivalité. Chaque supporteur vivait à sa manière l’attente avant chaque match. De toute manière, tout le monde connaissait tout le monde. Nous n’avions pas droit à l’erreur. Nos aînés qui venaient assister aux rencontres veillaient au grain au moindre écart de langage ou dérapage », se rappelle-t-il.
Aujourd’hui, beaucoup de jeunes de la région se laissent emporter par la vague de la drogue. Leurs parents sont désemparés. « Ils ne savent plus quoi faire, je garde espoir lorsque je vois des jeunes venir s’entraîner avec moi. Je souhaite vivement qu’ils reprennent le flambeau », déclare-t-il.
Retournant sur son passé de footballeur, Harold raconte : « ti ena mari lanbians. Ils étaient des milliers de supporters à venir des quatre coins du pays pour soutenir les équipes. Ils faisaient vibrer les gradins avec leurs tambours en entonnant des chansons typiquement mauriciennes pour faire monter la température malgré la grisaille et le froid de Curepipe. Mo ti met enn penalty lor Pele », se souvient encore Harold Sadien. Il avait 19 ans alors, venait de débuter chez la Fire Brigade et avait serré la main du roi du football. « J’avais observé Pele. Li ti pe aret tou ban tir ora sol. Je lui adresse un missile dans l’angle. Il avait réussi à le toucher. Malgre sa, boul la ti rant dan file. C’était une grande fierté pour moi d’avoir pu serrer la main de Pelé. Je n’ai pu m’empêcher de me remémorer cet événement le jour où j’ai appris son décès. J’étais vraiment triste », affirme-t-il avec un brin de nostalgie dans la voix.