Démocratie et élections—Réforme électorale : challenge de l’État contre le chef juge

Eddy Balancy, en déjouant le plan de renvoi de Lalyans Lepep : « The Constitutional Case is a landmark case in the history of Mauritius »

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Rezistans & Alternativ : « Des manoeuvres calculatrices du GM en vue de Misguide le peuple, la Cour suprême et le UN Human Rights Commission »

Le Constitutional Case de Rezistans & Alternativ portant sur l’élimination du communalisme dans le système électoral vire en un clash direct entre l’exécutif et le judiciaire. C’est ce qui découle du Challenge de l’Etat contre le chef juge, Eddy Balancy, qui fait l’objet d’une motion pilotée par le State Law Office, par le truchement de l’Assistant Solicitor General, Prameeta Goordyal-Chittyoo, réclamant son retrait du Full Bench de cinq juges de la Cour suprême constitué dans la matinée de vendredi. Le principal argument avancé tourne autour d’une « perception of bias », vu que le 10 juin 2005, Eddy Balancy, alors juge de la Cour suprême, avait ordonné à la Commission électorale de réinsérer les noms de 11 candidats de Rezistans & Alternativ sur la liste pour les élections générales. Cette initiative du State Law Office ciblant directement le chef juge est diversement interprétée dans les milieux du judiciaire, alors que dans le passé, des cas quasi similaires avaient été passés sous silence. La conséquence directe de ces tractations au prétoire est que la réforme électorale, qui devait être décidée par la Cour suprême, évolue encore dans un non man’s land.

Pourtant, dès l’appel de ce Constitutional Case, réclamant le droit à chaque Mauricien de se porter candidat à des élections générales sans avoir à déclarer son appartenance communale, le chef juge avait signifié son intention de traiter de manière urgente cette affaire d’une extrême importance pour la démocratie. Il avait même fait état d’un calendrier précis et des procédures axées sur un Statement of Agreed Facts entre les deux parties pour éviter tout délai dans les échanges en Cour.

Par contre, comme l’avait révélé Week-End en primeur dimanche dernier, Lalyans Lepep privilégie une approche différente en proposant un renvoi jusqu’à la fin des procédures pour le Constitutional Bill devant l’Assemblée nationale. D’ailleurs, les premiers signes d’hostilité devaient se faire sentir dès mercredi matin quand le chef juge avait interrompu l’Assistant Solicitor General développant sa motion pour justifier le renvoi.

Eddy Balancy devait faire comprendre que « la Cour suprême n’est pas là pour écouter des Statements, mais qu’elle est là pour se prononcer sur un Case qui est devant elle ». Une autre indication de la détermination du Bench de la Cour suprême, comprenant le chef juge et le Senior Puisne Judge Asraf Caunhye, est la demande d’Eddy Balancy que le commissaire électoral, Irfan Rahman, et l’Electoral Supevisory Commission, responsables de l’organisation des élections à Maurice, soient appelés à se joindre en tant que « parties » dans le Constitutional Case.

Le coup de théâtre

Jusqu’ici, ces deux instances avaient été soigneusement tenues à l’écart des procédures. L’Assistant Solicitor General n’a eu qu’une demi-heure pour des consultations avec le gouvernement en vue de déterminer si celui-ci objectait à cette décision. Aussitôt ce détail réglé, le chef juge allait fixer les Hearings au vendredi 17 mai par une séance préalable le vendredi 10 pour permettre aux deux parties de soumettre officiellement un Statement of Agreed facts and Agreed Issues in Dispute. A ce stade, aucune indication de la part du State Law Office quant à son move de Recusal Motion.

Mais, vendredi matin, la situation devait changer de manière dramatique. Après la présentation du document sur les Agreed Facts and Issues, le chef juge a souligné que « the Constitutional Case is a landmark case in Mauritius » et que, de ce fait, il avait pris la décision de constituer un Full Bench de cinq juges de la Cour suprême : le chef juge, le Senior Puisne Judge Asraf Caunhye, les juges Nirmala Devat, David Chan Kan Choeng, Gaytree Jugessur-Manna.

A ce moment, survient le coup de théâtre alors que tout était prêt pour le Hearing du 17. L’Assistant Solicitor General fait état de la décision de l’Etat de contester la présence d’Eddy Balancy sur le Bench. Le chef juge n’en démord pas et ajourne la séance à 14 heures pour prendre connaissance des arguments du State Law Office. Après le principal point de Perception of Bias, l’affaire est envoyée à mercredi pour la décision du chef juge.

Du côté de Rezistans & Alternativ, qui a retenu les services de Me Rex Stephen en tant que Lead Counsel, l’on interprète ces derniers développements comme un conflit entre deux institutions constitutionnelles. « Gouvernman Jugnauth pe fer tou pou sa case-la pa pran aster-la, pou so kalkil politik. Lot kote Lakour Siprem ki pe trouve ki sa case la, inn tro ranvway ek ki pena rezon valab pou enn nouvo ranvway, alor bizin determin sa case-la enn fwa pou tout. Sef Ziz inn mem dekrir sa Case-la enn « Landmark Case in the History of Mauritius », souligne-t-on en ajoutant que « ce ne sont que des manoeuvres calculatrices du GM en vue de Misguide le peuple, la Cour suprême et le UN Human Rights Commission ».

En tout cas, le dossier de la réforme électorale suscite non seulement des passions sur l’échiquier politique, mais également sur d’autres fronts quand la question est prise sur le fond…

« A long and winding road »

 June 2005 Elections générales. Les candidatures de 11 membres de Rezistans & Alternativ ne sont pas retenues, faute de classification communale des candidats. Lors de l’appel, le 10 juin 2005, le juge Balancy demande à la Commission électorale de réinscrire ces canduiats sur la liste.

10 novembre 2005  — Le Full Bench de la Cour suprême avec le chef juge Pillay et les juges Matadeen et Lam Shang Leen renverse la décision du juge Balancy.

7 septembre 2006  — Le même Bench (Pilay, Matadeen et Lam Shang Leen) rejette le challenge de Rezistans & Alternativ.

14 mars 2007  — Le chef juge Pillay et le juge Lam Shang Leen rejettent une demande de Rezistans & Alternativ pour faire appel au Privy Council contre le rejet de l’appel.

16 novembre 2007  — Rezistans & Alternativ saisit le United Natios Hulan Rights Committee pour violation par l’Etat des articles 18, 25 et 26 de l’Optional Protocol of the International Covenant of Civil and Political Rights.

5 mai 2010 — Elections générales : même scénario avec le rejet des candidatures sans déclaration de communauté. La juge Rehana Gulkbul s’aligne sur le raisonnement du juge Balancy, mais ne peut réclamer la réinsertion des candidatures en raison des Rules of Precedence du jugement de novembre 2005 du Full Bench Pillay/Matadeen/Lam Shang leen.

20 décembre 2011  — Suite à un recours de Rezistans & Alternativ, le Privy Council concède que « it appreciates that, if the issues cannot be resolved politically, they may be raised before the Judicial Committee in the future ».

30 avril 2012  — Constititutional Challenge sous la section 84 de la Constitution et la section 17 (1).

31 août 2012  — Rezistans & Alternativ obtient une victoire historique pour la démocratie avec le United Nations Human Rights Committee décrétant sans équivoque que « the compulsory communal of candidates is a violation of article 25 Civil and Political Rights Covenant ».

La course contre la montre pour la réforme du système électoral est lancée.

27 février 2013  — Publication par le gouvernement d’un Consultation Paper.

4 mars 2014  — Le Constitutional Challenge est appelé devant le chef juge Matadeen et l’Etat obtient un renvoi avec la garantie qu’un White Paper sera déposé sur la table de l’Assemblée nationale avant le 25 mars 2014.

10 décembre 2014 — Elections générales à la lumière d’un Temporary Constitutional Amendment, soit le mini-amendement.

De novembre 2015 à mai 2018, l’Etat sollicitera et obtiendra trois renvois du Constitutional Challenge en Cour suprême, jusqu’à la passe d’armes du 8 mai avec le nouveau chef juge Eddy Balancy qui fait l’objet d’une Recusal Motion du State Law Office.

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