« Bonne chance ! »

Me Gavin Glover, qui a repris les rênes du Mauritius Turf Club le vendredi 21 octobre dernier, 11 ans après les avoir cédées à Gilbert Merven pour la fête du bicentenaire de 2012 — sans les avoir récupérées plus tard comme convenu —, sait mieux que quiconque que le monde hippique mauricien est un véritable capharnaüm où personne ne vous fait de cadeaux. Ce passage à la tête du club en 2011 — il l’a reconnu lui-même à l’époque — a été une « année difficile », les épisodes « durs à oublier » et que sa « naïveté » lui a joué des tours tant il a fait foi par déformation professionnelle aux vertus du bien bloquant « bénéfice du doute ».

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Pourtant, à l’époque, il voulait déjà rempiler, car il estimait la saison 2011 comme « satisfaisante » puisque le board qu’il dirigeait avait pu « turn around » les finances du MTC, mais que malheureusement, le projet — que tenait à cœur le MTC a contrario de ce que disent ses adversaires — de mettre sur pied un nouvel hippodrome n’était « pas viable » à cause du manque de partenaires stratégiques, d’autant, disait-il à l’époque, qu’il pensait que « cela n’était pas une priorité d’un gouvernement quel qu’il soit » et reconnaissait avec lucidité déjà que « le MTC n’a jamais eu sa destinée en main, qui dépend de facteurs externes beyond our control. »

À l’amorce de son deuxième mandat, le président Glover, qui a le privilège de compter autour de lui une équipe « rajeunie et dynamique » qui fera l’histoire avec la présence féminine comme Administrateur de Nathalie Henry, pourra travailler main dans la main avec sa filiale la MTCSL — avec également une femme à sa tête, Anne-Sophie Julienne —, ce qui n’a pas été le cas sous la précédente administration, où les deux instances étaient à couteaux tirés avec une MTCSL sous le joug de la Gambling Regulatory Authority (GRA) qui, pour sa part, avait juré par tous les dieux d’avoir la tête du président Giraud, qui avait eu le courage de dire « qu’il allait mener un combat à toute épreuve contre les organisateurs de paris clandestins. »

Il n’est pas inutile dans ce contexte de rappeler que le président sortant, qui avait été contraint de démissionner sur avis de ses collègues et hommes de loi, pour faire suite à des pressions venant du bureau du PMO, relayées par Me Maxime Sauzier — qui connaît depuis l’honneur de présider aux destinées de Mauritius Telecom —, que M. Giraud a personnellement fait les frais d’être privé de la Personal Managment Licence (PML), menacé d’arrestation s’il se rendait au Champ de Mars, poursuivi par la police pour avoir dénoncé des bookmakers clandestins qu’il n’a jamais nommés mais qui se sont reconnus, contrôlé avec des membres de sa famille inopinément par la Mauritius Revenue Authority (MRA), et pire, d’avoir subi des attaques au ras des pâquerettes du Premier ministre au Parlement, où contrairement aux fameux Standing Orders chers au Speaker, il fut cité nommément, sans compter les attaques indignes à la limite d’un communautarisme revancharde dans les fonctions socioculturelles.

Le retour aux affaires de Gavin Glover se situe dans un contexte où le MTC a perdu l’essentiel de ses prérogatives d’organisateur de courses et doit partager l’organisation d’une journée sur deux à une compagnie novice dont le leader Maximo est un financier déclaré du parti au pouvoir. Par ailleurs, le MTC tente de survivre au piège de l’étranglement financier qui lui est tendu de façon mesquine avec des changements dictatoriaux imposés, comme la résiliation de son contrat valable jusqu’à 2028 pour la piste du Champ de Mars et d’autres petitesses à la hauteur de ses détracteurs.

Me Glover a du pain sur la planche et doit pianoter pour tenter de renverser la situation. Plus expérimenté et fort de son aura judiciaire indéniable, Gavin Glover a fait le choix de la main tendue pour des relations plus civilisées entre ceux qui devraient être des partenaires. Mais comme chat échaudé craint l’eau froide, il est aujourd’hui, l’expérience aidant, moins naïf, plus réaliste. Pour ceux qui rêvent éveillés, l’objectif du MTC reste le même : continuer à être l’organisateur des courses historique. Et pour cela, il faut être un aveugle pour ne pas voir que comme ses prédécesseurs, le but ultime est le même : permettre au MTC de poursuivre sa mission de plus de 210 ans à la satisfaction de tous les Mauriciens. Le moyen à court terme est d’atteindre l’autre côté de ce torrent déchaîné à son encontre, la rive de l’alternance qui pointe à l’horizon, où l’attend le public, les électeurs, qui lui ont déjà largement témoigné de leur confiance et leur loyauté pour son histoire et sa compétence. Le Maiden 2022 en est le plus visible témoignage public.

Les autorités hippiques (GRA et HRD), qui ne sont en fait qu’une, ne marchent pas qu’à la baguette du gouvernement, mais aussi aux diktats de l’un de ses financiers, font mine jusqu’ici de n’avoir pas entendu la volonté du nouvel homme fort du MTC pour un dialogue. Au contraire, la réponse a été à la hauteur de leurs missions destructrices du club de la rue Eugène Laurent. Se basant sur une lettre d’entraîneurs anonymes rédigée dans les basses Plaines Wilhems, mais niée par l’association officielle des entraîneurs, la GRA a désavoué sa propre division, la HRD — une deuxième fois après le tirage au sort des stalles de départ du Maiden — en lui imposant de changer la dénomination de l’épreuve clé de la dernière journée, qui pour finir n’a rien changé, car ladite course a bien eu lieu. Mais la GRA avait à montrer du muscle et elle est fière d’avoir obéi à son maître. Nous n’épiloguerons pour l’heure pas sur les autres mesquineries sous tapis, qui ont voulu priver le public de désaltération adéquate et habituelle lors de la dernière journée.

Et il ne faut pas croire que la publicité bien orchestrée à travers les médias que le MTC serait à l’origine d’une course truquée la semaine dernière soit le fruit du hasard. C’est aussi un autre cadeau de bienvenue empoisonné adressé au nouveau titulaire pour le faire sortir de ses gonds. Car des courses truquées, il y en a, à la pelle, depuis le début de la présente saison et qu’on peut en trouver indifféremment lorsque l’un ou l’autre des « coupeurs de gazon » organisent les courses. Mais aujourd’hui, ils n’en sont pas responsables et s’il y en a un, c’est bien la HRD, l’unique organisateur, évidemment pas nécessairement coupable. Quant aux deux organisateurs de journées de courses, ils sont eux responsables mais aussi éventuellement coupables de toute maldonne technique entourant le déroulement des courses, comme les erreurs de lignes au départ, l’état des rails, voire des pistes sabotées, etc. Pas besoin ici de dire qui est en train de postuler fortement pour le trophée de l’année 2022 !

Tout ce tam-tam — qui est justifié par le comportement suspect d’au moins un jockey au départ de la course, même si le fractionnel de la course montre que le gagnant était trop fort pour ses adversaires — est sans doute le fruit d’un coup de fil, qui avait régulièrement cours les saisons précédentes lorsqu’un officiel de la GRA, invectivé par des bookmakers mauvais perdants, ordonnait aux commissaires de courses d’enquêter. Et si en passant on pouvait écorner l’image du MTC, il ne fallait surtout pas rater l’occasion.

Ces deux exemples, en moins de quinze jours de présidence Glover, illustrent bien la mauvaise volonté des autorités hippiques pour une normalisation des relations avec l’organisateur historique des courses. Car à Maurice, tout est politique, même lorsqu’il n’y a fondamentalement rien de politique. Jean-Michel Giraud a été attaqué parce qu’on lui prêtait des sensibilités MMM. Me Gavin Glover va sans doute devoir composer avec cette vision de courte vue puisqu’il est l’avocat de Navin Ramgoolam et que son frère est de l’exécutif travailliste. Pourtant, son père, sir Victor, entretenait d’excellentes relations avec sir Anerood Jugnauth… C’est vrai qu’il ne fait pas bon non plus d’avoir été un proche de SAJ parfois ! Demandez à la vielle garde du MSM ce qu’elle en pense…

Trêve de politique. Il faut souvent donner du temps au temps. Et Gavin Glover, qui a fait preuve dans sa carrière judiciaire de patience pour obtenir de grandes victoires, disait récemment dans une interview à Week-End qu’il s’adapterait à la situation en faisant référence à une citation lourde de sens de l’écrivain américain William Arthur Ward, à l’effet que « le pessimiste se plaint du vent, l’optimiste espère qu’il va changer, le réaliste ajuste ses voiles. » C’est sans doute la voie la plus sage pour atteindre ses objectifs, car il mesure aujourd’hui que plus que jamais l’avenir de son club est entre ses mains et que si « le MTC ferme ses portes, les courses de Maurice ne se relèveront pas… Quel gâchis ! » Il est pleinement conscient, avec le poids des années et celui de l’expérience de la vie, que les responsabilités qui sont les siennes aujourd’hui sont énormes. À une jeune avocate qui le félicitait chaudement, lundi dernier, dans un ascenseur bondé de la New Supreme Court, de son accession à la présidence du MTC, le Senior Counsel devait lui répondre sobrement : « Merci, mais souhaitez-moi surtout bonne chance !!! »

Alors « bonne chance » Monsieur le Président pour une expression éminemment hippique !

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