Un coup de pied dans la fourmilière

«… Undercover Agent de l’écurie Maingard, brillant vainqueur du Barbé, qui a enfin couru sur sa vraie valeur cette saison, mais il a connu un petit coup de mou lors de sa dernière sortie. On peut compter sur Ricky Maingard pour l’avoir ramené au top niveau pour sa dernière sortie de la saison… à moins que le dark horse de la course, l’autre Maingard de l’épreuve, Frosted Gold, ne vienne créer une belle surprise sur commande de son propriétaire. »

- Publicité -

On ne pensait pas si bien dire, quatre jours avant l’épreuve classique de dimanche dernier. Frosted Gold, dont la cote est passée de Rs 1000 à Rs 700 en passant par 580, entre l’ouverture et la clôture des paris, s’est imposé avec autorité dans une épreuve courue à une allure initiale assez lente sur certaines portions de la course, en particulier entre les 1200 mètres et le Tombeau Malartic, où l’allure de la course était réglée sur 13 secondes sur les 200 mètres de cette portion de l’épreuve et le premier kilomètre en 60.99 ! Cela aurait dû emmener Undercover Agent vers une nouvelle facile victoire vu qu’il n’avait pas été titillé à l’avant. Paradoxalement, si cette lenteur initiale a déjoué les comportements d’Alyaasaat et de Twist of Fate, tous deux « lamed ! », d’autant que et Black Cat Back et Padre Pio ont été relégués en attentistes consentants pendant cette course de sept partants seulement, il a en fait favorisé celle de son compagnon d’écurie Frosted Gold. Ce dernier a pu suivre confortablement en queue de peloton, sagement retenu à la corde sans jamais être sollicité avant la dernière ligne droite par un Rai Joorawon sage et totalement aux ordres de l’entraîneur. Cette allure particulière a permis à Frosted Gold de n’avoir pas été trop distancé pour qu’il ne fasse qu’une bouchée dans les derniers 50 mètres de tous ses adversaires, même Undercover Agent, qui n’a offert qu’une faible résistance après avoir fait son boulot de contrer les principaux challengers depuis la rue du Gouvernement.

Ricky Maingard a joué sur les deux tableaux, mais il avait clairement une préférence pour le cheval de « son partenaire » Jean Michel Lee Shim qui, dit-il, « a bien compris son plan avec Frosted Gold ». Rai Joorawon a bien déclaré que M. Maingard lui a bien dit que s’il montait aux instructions, il gagnerait à coup sûr, alors que l’entraîneur avait fait comprendre à Pierre Corne Orffer qu’il serait battu par son compagnon d’entraînement cette fois.

Cela dit, ce doublé est à la hauteur de sa saison, où pour la première fois de sa carrière, il va être couronné champion entraîneur et où il a remporté trois des quatre classiques et quatre des cinq Groupe 1. À 70 ans révolus, l’entraîneur est aussi prolifique que tout au long de sa brillante carrière, mais il faut dire qu’il a dans son effectif une flopée de champions, ce qui rend sa tâche compliquée, car il doit faire plaisir à tous ses propriétaires, mais aussi simplifiée, car c’est plus aisé quand on a de bons chevaux à sa disposition. Bravo à Ricky Maingard sur le plan hippique et sportif ! 

Cette course a aussi été un des betting coups les plus marquants de la saison hippique 2021 qui, pourtant, en a cumulé beaucoup. Chacun aura vu l’évolution des cotes inversement proportionnelles entre Undercover Agent et Frosted Gold, alors qu’on attribuait à ce dernier des chances moyennes sur la distance de 1600 mètres. Quand on sait que le propriétaire du cheval, Jean Michel Le Shim, est aussi celui qui pilote les activités de l’unique organisateur de paris à cote fixe off course à Maurice, on peut regretter que le Compliance And Integrity Department de la Gambling Regulatory Authority ne fonctionne plus depuis le départ de Paul Beebee. On comprend mieux pourquoi Dev Beekhary, le membre boss de la GRA, n’a jamais acquiescé à ce que ce département se dote d’un logiciel de contrôle de paris, un Intelligence Gathering System. Il y a définitivement conflit d’intérêts lorsqu’un propriétaire soit aussi un animateur de paris, un bookmaker, surtout à cote fixe. Et cela se fait au détriment du public parieur qui, lui, au contraire de l’organisateur des paris, n’a pas accès aux informations privilégiées provenant de la cuisine interne d’un établissement. D’autant qu’il est de notoriété publique qu’une grande majorité des compagnies de bookmakers qui opèrent sur les réseaux sociaux dans la clandestinité, au nez et à la barbe de la Police des Jeux, ne lui sont pas totalement étrangères.

Cette course classique a mis en lumière ce qu’est cette saison 2021 — qui s’est déroulée à huis clos à cause de la pandémie — a finalement été. Celle du renforcement loin des yeux et loin du cœur du public de ce que dénonçait le président démocratiquement élu, Jean-Michel Giraud, lorsqu’un groupe des membres du MTC était venu le chercher pour sauver les courses de la mainmise d’une mafia des paris. Celle qui agit ouvertement et dans la clandestinité dans l’impunité la plus totale, si ce n’est de la complicité des pouvoirs publics.

Il a suffi que la GRA brandisse son joker contre le président du MTC, le refus de la fameuse PML, un autre outil du pouvoir, qui prive de liberté d’honnêtes personnes sur la base des accusations farfelues pour que la mafia puisse continuer à faire sa basse besogne. Heureusement qu’il y a encore l’institution judiciaire — malheureusement encore trop lente — pour un redressement éventuel. Mais, entre-temps, ceux qui fautent continuent à le faire allégrement et ceux qui veulent mettre de l’ordre voient leur autorité s’affaiblir, au point où les contestataires d’hier sont prêts à renoncer à leur combat et à rejoindre l’ennemi. Bref, à devenir comme lors de la Deuxième Guerre mondiale des « collabos », à l’image des amis du Maréchal Pétain, au lieu de continuer le combat de « la résistance » à « l’occupation » comme symbolisé par Jean Moulin et le général de Gaulle qui ont porté l’estocade sur les plages de Normandie.

Quels comptes vont rendre ces « collabos » à leurs descendants qui ne connaîtront jamais les courses hippiques comme nous les avons connues ou tout simplement verront les courses devenir ce qu’est notre football local ? Mais tout n’est pas perdu… si le MTC arrive à remettre sa mainmise sur le MTCSL comme le lui permettent ses statuts.

Certes, il faudra dans un premier composer avec la situation adverse actuelle, mais comme les prochaines échéances électorales pointent à l’horizon dans un contexte d’un pouvoir contesté et affaibli dans l’opinion publique à cause des nombreuses « mortalités » et « une gestion contestée de la pandémie », il y a encore de l’espoir pour que les choses puissent s’inverser. Que ceux qui « ont fauté » le reconnaissent et rectifient le tir au lieu de persister dans l’erreur et l’arrogance en pensant que leurs probantes réalisations seront suffisantes. Que ceux qui aspirent à la relève, et qui ont déjà un passif, montrent un tout autre visage. Pour les uns et les autres, le chèque en blanc, c’est terminé….

En attendant, au MTC, il faudra du cran. Comme celui de se débarrasser au plus vite des canards boiteux qui affichent leurs faiblesses intrinsèques en abusant de leurs positions actuelles en interne et en jouant aux béni-oui-oui en externe. Tout cela constitue un véritablement renoncement aux valeurs humaines auxquelles les Mauriciens sont très attachés. Dont celles qui sont les plus mises à mal ces jours-ci, la liberté d’expression, la liberté de penser autrement, la liberté de disposer de son corps librement… tout simplement la liberté ! Sans entraver celle des autres, bien sûr.

Laisser nos courses hippiques partir à la dérive comme ces derniers temps est un véritable crime contre l’humanité. Il n’y a plus d’éthique, ll n’y a plus de discipline. L’impunité règne derrière ce que sont devenues des parodies de courses, où les jockeys sont plus puissants que leurs employeurs devenus des marionnettes aux mains d’un système où tout se décide en remote control et tout se fait et se défait selon l’humeur et les intérêts du boss. Il n’y a jamais eu autant de changements d’entraînements pour les chevaux comme cette année. Les jockeys changent d’entraînements comme ils changent leurs casaques. Les bannis d’hier deviennent des héros de demain. C’est une véritable foire où chacun semble faire ce qui lui plaît, au point où la chambre des commissaires est devenue comme ces caméras de Safe City qui ne marchent jamais, surtout lorsque le crime va gêner le parrain. Des professionnels pris la main dans le sac continuent à sévir depuis plusieurs mois après que leur délit a été établi. Ils deviennent même des champions toutes catégories from pillar to post. Enfin, des jockeys étrangers qui ont montré du talent et du savoir-faire deviennent, tout à coup, des claimers qui ont perdu tout repère et qui veulent même partir avant la fin de la saison alors qu’ils peuvent être champions.

Il est plus que temps de donner un coup de pied dans la fourmilière !

 

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour